vendredi 14 Mars, soirée spectacle au bar de la marina. "Julio", le taulier, a fait venir une école de capoeira, pour faire une petite exhibition; histoire d'éduquer le touriste, tout en le divertissant; beau programme...

Arrive bientôt une colonie de gamins/gamines, allant de quatre ans à poilu, accompagnés par un adulte: le prof, et charriant avec eux les instruments de musique traditionnels nécessaires pour créer l'ambiance et le rythme.

Petite scéance d'échauffement et de concentration en suivant l'exemple du maître. Puis, une partie des jeunes se met aux instruments et démarre, en donnant également de la voie, une musique cadencée dans laquelle les percussions ont la part belle. Tout est en place..... c'est parti!, pour plus d'une heure. Les corps semblent habités de ressorts et les membres d'élastiques. Deux par deux, les intervenants se saluent, avant de démarrer un combat simulé, mené comme une danse, alternant passages lents et rapides, postures de défense, puis d'agression, aérien ou au sol, virevoltant en cadence sous l'impulsion des musiciens. C'est très physique, rapide, précis. Après une séquence tonique, corps luisant et réspiration haletante, chacun passe, à tour de rôle, de la danse à la musique, afin de se reposer un peu, pour tenir la distance. Leur admirable complicité est palpable; visible et lisible par tout un chacun, grâce, en particulier, au respect d'un rituel de saluts et de marques de respect, un peu comme dans les arts martiaux.

Le public, essentiellement composé de vagabonds des eaux, est carrément subjuguée. Il faut dire que la dimension sociale de cette activité est tout-à-fait évidente, et que le résultat fait plaisir à voir, tant les prestations sont de qualité; nous avons devant nous de jeunes acrobates; hier, délinquants potentiels ou avérés, aujourd'hui artistes en herbes grâce à l'école de Capoeira. Chapeau Monsieur le professeur, et merci pour le show!

samedi 15 Mars;

notre pote Philippe est un type assez surprenant. Sous des dehors un peu austères (si, si, Philip, je te le dis tout net: une certaine austérité t'habites), il cache une facette épicurienne indéniable, doublée d'un tempérament festoyeur qu'il n'affiche pas ostensiblement.

Nous voici réunis, ce samedi midi, dans le carré de Catafjord, autour d'une bouteille de ce délicieux vin blanc d'Afrique du sud dont le défaut majeur et unique en même temps est d'être atrocement sujet à évaporation......ce qui a pour effet négatif de vider la bouteille bien plus rapidement que nous ne la buvons.....C'est, heureusement, sans conséquence, car ce vin est fort léger, qui accompagne à merveille les lambeaux d'espadon (cadeau de ritals) agrémentés d'une petite sauce soja/wasabi sortie de la cuisine à Malou, et qui détartre juste comme il faut.

Philippe brûle de nous faire découvrir certains attraits peu touristiques de la grande ville voisine. Et c'est parti!

Joao Pessoa n'est pas une belle ville; cependant, on peut y admirer tout de même de jolies bâtisses colorées, à façades sophistiquées datant d'une époque peu lointaine, fastueuse pour certains......et moins pour d'autres.....

Au coeur de la cité, endormie par l'effet "week-end", est une place où le bon peuple est invité à se lâcher, dès le samedi midi. Une scène y reçoit des formations musicales qui régalent le public citadins...... On consomme de la bière et de la caïpirinha, issus directement des glacières apportées pour la circonstance par des dizaines de bistrotiers amateurs, sans doute non patentés,....,mais qui savent cependant nous tenter, si tant est qu'on avait encore besoin de ça, ......et qui proposent également brochettes et nourritures terrestres diverses. De tout ce que je viens de décrire, nous n'avons rien vu; l'après-midi étant bien trop avancée. Qu'importe; car la soirée se prolonge d'une manière largement aussi captivante, animée par plusieurs formations sauvages, improvisée à même le trottoir, à la manière des fêtes de la musique, instaurées en France lors du passage dans les hautes sphères de l'état d'un socialiste à la langue artistique et musicale.....souvenez vous.

Le brésilien a le sens de la fête, et la brésilienne pas moins. Au son des rythmes de samba, Anna, la charmante compagne de Philippe ondule en cadence comme un jouët éléctrique qu'aurait eu une pile neuve ce matin. Une bonne partie de l'assistance fait de même......et d'ailleurs, au bout d'un moment, on ne peut plus s'en empêcher.

Pendant la dernière traversée, Malou a révisé ses cours de Brasileiro; mais pas moi. Pourtant, deux ou trois caïpirinha plus tard, il est manifeste que ce breuvage vaut largement son pesant d'assimil pour faciliter la discution avec son voisin ou sa voisine de comptoir. Le brésilien ayant une saine approche de la fête, chacun se trémousse à sa manière sans que nulle agressivité ne se développe à la faveur d'un surcroit d'audace puisé au fond d'un verre. Au contraire, tout ici est prétexte à fraterniser aux abords du zinc. Celui de la Cachaceria où Philippe nous a guidé ne fait pas exception. L'établissement est centenaire! un modèle du genre. On y sirote presque exclusivement la bibine "maison", issue de l'alambic familial sis dans l'arrière boutique, et décliné en une trentaine de versions. Les bocaux de verre, dûment étiquetés, occupent le mur du fond. Aussi, même avec un mauvais accent, même avec une diction pâteuse, même avec un balbutiement de goatreux, simplement en tendant son doigt vers le récipient et en lisant l'étiquette, il est quasimment toujours possible de passer commande.....Il est courant d'accompagner son dé à coudre de caïpi d'un autre verre contenant la "sopa de fejaon", qui, comme son nom l'indique est une épaisse soupe de haricots avec des vrais morceaux de lard entiers dedans; une gorgée de sopa, une gorgée de tord-boyau; rien de tel pour placer parfaitement l'accent tonique. Ici, aucune ségrégation: les jeunes, les vieux, les blancs, les foncés, les filles, les homos.....même les estropiés sont égaux, c'est vous dire. Le temps passe trop vite, et voici que nous avons déjà une heure de retard à l'invitation à dîner à bord d'Ushuaia.....il est grandement temps d'attaquer un repli stratégique et énergique. Las, les divinités qui président aux destinées apéritives ont décidé de faire capoter notre soirée Ushu en plaçant sournoisement en travers de notre chemin pas moins de deux mariages de notables locaux; impossible, alors, de passer sans s'arrêter devant cette église superbe, inondant de mille feux le décor végétal fastueux érigé en l'honneur des deux qui s'apprêtent à......mais ceci ne nous regarde pas. Quand à la cathédrale, qui reçoit, elle aussi un couple aux parents fortunés, si le décor est plus sobre, c'est que les sensibilités artistiques ont orientées la monnaie différemment, car une formation de musique de chambre au complet s'exprime religieusement au pied de l'autel.....et c'est beau....

Bref, à notre arrivée à bord d'Ushuaïa, point de reproche pour ce retard, excessif et malpoli, car point d'équipage, non plus! Y sont barrés!

Gonflés ces canadiens! y z'invitent des gens.....y sont pas là! d'accord, deux heures de retard.....mais, bon, pour finir, on est là, nous....Bon, on est des gentils; on se fâche pas.....mais y aurait matière.

Lundi 17 Mars; un nouveau petit groupe d'aventuriers intrépides s'est constitué à la faveur de la dernière pause/caïpi, et c'est ainsi que nous embarquons, une petite dizaine, à bord d'une de ces longues barques à fond plat propulsées par un "long-tail" directement issu de la culture asiatique. Les bancs bien durs, l'ergonomie froidement ignorée, les pétarades du bouzin bien à hauteur des oreilles, ont tôt fait de transformer cette insipide trajet interminable en une simili-corvée, heureusement ponctuée par la visite de villages traditionnels où l'on peut observer de près la vie quotidienne du bon peuple brésilien de campagne. Le frugal casse-croûte emmailloté dans son préservatif à usage multiple (il est tout fripé.....), ne relève certes pas le niveau de cette excursion mal fagotée. Dommage. N'en parlons plus.

Mercredi 19 Mars; la ballade du jour est nettement moins touristique, puisqu'il s'agit de se plier aux traditionnelles formalités de sortie du pays. Peut-être un peu moins lourdingues qu'il y a cinq ans, l'opération reste encore bien fastidieuse, et la lourdeur des démarches bien réelle. Le Brésil semble s'être modernisé sur bien des points, mais, à coté des endroits touchés par la grâce de la fée "modernité", et les dollars afférents, demeurent encore quantités d'endroits bien moyennâgeux. Heureusement, les brésiliens sont souvent des gens très attachants.

Demain matin, à la faveur du jusant, Catafjord quittera Jacaré, pour une traversée de presque deux mille milles, en direction de La Barbade.

On se rapproche de l'écurie.....