Dimanche 17 Novembre; celui qui n'a jamais eu le privilège d'observer le velvet à couilles bleues, évoluant au bord de son milieu naturel, ignore tout du concept d'élégance testiculaire. Curieux des choses de la vie comme nous sommes, il n'est pas étonnant que nous ayons la chance de pouvoir cotoyer quotidiennement cette intéressante variété de cercopithèque, dont les mâles sont de véritables gros veinards. Pour ma part, la contemplation de ces attributs turquoises, rehaussant incontestablement le portait verso de la zone rectale de cette bestiole, a bouleversé ma conception de l'esthétique du génitoire. Je n'hésite pas à affirmer que la possession de bobolles de cette couleur me semble, présentement, le pinacle de l'élégance, du bon goût, et du raffinement masculin (non émasculé bien sûr.... Il ne viendrait à personne l'idée d'imaginer un eunuque à testicules bleues.....encore moins turquoise....). Hélas, pour qui n'a pas l'heur de posséder naturellement cette ravissante particularité, les moyens de colorer artificiellement le matériel me semblent dramatiquement réduits.....En même temps, les occasions d'en faire profiter les amis ne sont pas non plus si fréquentes pour justifier la mise en ouevre de procédés sophistiqués.... Au final, il me semble que le mieux, c'est de s'assumer comme on est, et pisse c'est tout. N'empêche, prendre une telle leçon de savoir-vivre de la part d'un pauvre ouistiti, c'est des coups à se les faire bleuir de jalousie.

Mardi 19 Novembre 10h; Pascal ayant été élu à l'unanimité "chauffeur de l'année" pour les deux jours à venir, c'est à lui que revient l'insigne honneur de risquer son permis, et la caution qu'il a imprudemment laissée à la boite de loc de bagnoles, en conduisant notre troupeau touristiquo-familial vers le parc Lhulhuwe, à bord de notre minibus. Chemin faisant, au gré des vagabondages de mon esprit, j'en viens à me demander qui, des big five, ou de notre tribu, sera le plus étonné de rencontrer l'autre.....sachant que notre troupeau se compose de trois pirates, trois coyotes, et seulement deux individus absolument normaux, mais moins jeunes (surtout une....).

C'est après trois heures de route ( pour quatre vingt kilomètres.....), que nous découvrons, émérveillés, le camp de base que les filles ont réservé hier par téléphone. Poussant l'huis de bois qui clôt l'habitation principale, notre joie collective franchit encore quelques degrés supplémentaires lorsque nous apercevons le bar particulièrement garni.....mais...., si le bar est bien achalandé, c'est sans doute que quelqu'un s'est chargé de cette tâche.....et donc, il se pourrait bien que ce "quelqu'un" se soit aussi permis d'envahir nos chambres et nos salles de bains.....eh, bien justement!.....ce qui signifie clairement que c'est pas là qu'on habite! Bon, bref, pour finir, nous nous retrouvons au très traditionnel et fréquenté "Hilltop camp", en compagnie d'une foule de clampins dans notre genre, tous venus organiser ici leur petit confort perso, avant d'aller traquer la bébette dans le bush, le Nikon bien installé sur la protubérance abdominable.

Pour être honnête, je dois dire que nous y sommes fort bien, dans ce lodge, et que notre réserve de bonne humeur ne semble pas devoir s'approcher de la cote d'alerte avant "un certain temps".....

Hluhluwe park, est une modeste prairie de 96000 hectares, garnie d'une grande quantité d'animaux qui y vivent plus en liberté que nous, car nous sommes censés ne jamais sortir du camion, et ne pas nous approcher trop près des grosses bestioles. Notre cher Pascal, lui, le réglement, y se torche avec, et donc, zyva tout près des girafes, des buffles, des zèbres, et pas bien loin des rinhocéros. Dès qu'on s'arrête, les trois quarts de notre équipe de comiques descend du vésicule faire crépiter le Pentax....

A propos de Zèbre, prenons quelques instants de notre précieux temps pour nous remémorer cette histoire vraie, survenue il y a de celà quelques années. Un zèbre, fraichement débarqué d'Afrique, arrive aux Landes, en vue de visiter la ferme à Hubert. Curieux de tout, notre limier rayé mène une enquête minutieuse auprès des résidents afin d'identifier et comprendre leurs fonctions dans l'entreprise familiale; il apprend ainsi à son grand étonnement que le boulot de la poule, c'est de pondre des oeufs, et celui de la vache de pondre du lait. Avisant alors le taureau, il pose pour la nième fois sa question: "et toi, tu fais quoi?".....à la quelle l'encorné répond, une lueur de malice au fond de son regard bovin: "enlève ton pyjama et retourne toi, je vais te montrer tout de suite.....".

Mercredi 20, 16h; le show du pachyderme. Depuis ce matin, nous sillonnons le parc de long en large inspectant minutieusement chaque crotte d'éléphant pour tâcher d'en dater la ponte, détaillant la position de chaque branche cassée, ou trace de pas dans la gadoue, à dessein de déterminer l'emploi du temps récent de quelque bête à trompe que nous brûlons de surprendre en pleine libation, voire pire......Las, chaque point d'eau apporte une nouvelle déception; les gros mammifères nous boudent manifestement, et ce, sans raison apparente, alors quoi? les plus pessimistes de nos broussards ont déjà commencé à se faire à l'idée que l'éléphant restera absent de nos souvenirs Lhulhuwesiens.....C'est sans compter sur le sens du spectacle et de la facétie de ces charmants petits animaux de compagnie.

Soudain, un cri déguenille le non-silence pesant qui règne à l'intérieur de notre camion, et dont on n'arrive jamais à se départir pour la simple raison qu'il faut tout le temps que quelqu'un(e) ramène sa fraise....."làaà, à gauche....."; c'est Cyril qui s'exprime de cette voix, enrouée par le rhum de basse qualité et toute cette sorte d'alcool frelatés qu'il affectionne de partager avec nous (comme dit Malou:" celui qui n'a pas d'ami, y connait pas son bonheur...."). Et donc, qu'est-ce qui motive ce magnifique Cyril's song? un éléphant bien sûr, parfaitement énorme et majestueux et impressionnant et pas loin de la bagnole; il ralentit sa progression car nous sommes stoppés à peu près à l'endroit où il aurait bien eu envie de passer, et donc, ce ne serait pas plus mal de bouger un peu avant que d'agacer l'pépère. Par chance, notre super-Pascal-chaffeurman conserve un minimum de lucidité, malgré la fatigue dûe....on se demande un peu à quoi, et il déplace un peu notre charrette afin que tout se passe en douceur; ainsi, tout va pour le mieux dans le meilleur des bush. Les appareils photos crépitent comme des façades, et ça fait qu'on va pouvoir rentrer chez nos canotes, car il se fait tard.

Hélas on n'a pas vu le lion; il semblerait que depuis qu'il s'est fait un peu ridiculiser par le ouistiti dans cette regrettable affaireX qui a fait la une des journeaux de brousse, il a un peu la honte et il boude. Bah, qu'importe; nous avons tout de même eu notre dose de buffles, rhinocéros, phacochères, pintades et bousiers.....

ah, le bousier!!!! quel talent! et quel mérite de faire montre d'une telle joie de vivre, d'un tel enthousiasme, malgré ce qu'il faut bien appeller "une vie de merde". C'est là que nous pouvons mesurer avec un triple décamètre à coulisse la chance qui est la nôtre de pouvoir nous émouvoir devant l'opiniâtreté, l'habileté, la poésie même, de ces adorables coléoptères, qui, en couple, allient leurs efforts pour véhiculer, en les poussants pour les faire rouler, des fragments de crottes d'éléphants, qu'ils transforment ainsi en sphères brunes d'environ soixante neuf millimètres de diamètre: "des bouzes de pétanque", comme disent les zoulous. Comment se fais-ce qu'aucun poète n'ait pensé à louer cet instant magique où l'on voit pour la première fois s'animer devant nos yeux hagards une bouse grosse comme un ballon de foot, un peu comme si un petit coeur de merde palpitait à l'intérieur? quelle émotion! Par chance, notre ami Cyril en connait un rayon sur tout ce qui est merdique, et il nous le prouve immédiatement en nous fournissant moultes explications sur ce petit être fascinant, ainsi que façonnant et trébuchant. Quel persévérance! Parfois, lors d'un franchissement de bosse, à deux doigts du succès, le bousier pousseur en pleine extension cependant que son pote (ou sa meuf peut-être....) est au rappel en haut à gauche, la satanée shère de caca bascule, repartant en arrière avec ses deux verrues noires accrochées fermement dessus comme des morpions sur une boulette turquoise de singe mâle.....on a pitié; on voudrait aider même; mais, bon, ça colle....alors on prend sur soi, et on poursuit la visite du parc, le coeur serré de notre manque de générosité....surtout que, pendant ce temps-là, l'heure avance, et celle de l'apéro pointe son museau humide à l'horizon....alors, "en voiture".

Pascal reprend le volant, et ramène tout son monde à Richard's bay, fredonnant à tue-tête ce refrain de circonstance: "tiens voilà mon zèbre, zèbre, zèbre....", afin de ne pas entendre le gamin qui réclame qu'on s'arrête pour pisser.....ça se croit tout permis les mômes....