Dimanche 13/10; Au soir de cette agréable journée, Catafjord tire sans conviction sur son mouillage, dans l'estuaire de la rivière de Baramahamay, à un jet de chique d'un village ordinaire d'une centaine d'âmes. La spécialité du bled, c'est le miel sauvage, que les indigènes vont récolter dans les collines alentour, après avoir disposé à cet effet quelques ruches sommaires, faites de l'écorce d'un vieux cocotier. Les eaux environnantes apportent aux filets des pêcheurs quantité de sardines, qui, une fois séchées, seront entassées dans des sacs, puis acheminées à Nosy bé par boutres, pour y être vendues.

Un des nombreux quémandeurs enpirogués est venu proposer à Olivier une excursion en brousse, pour y voir le crocodile en situation.....Aussi, lundi matin, tout le troupeau de plaisancionautes présents est-il sur le pied de guerre dès l'aube, en vue de jouer les premiers rôles dans la nouvelle série:" traque du croco malgache, en tong et chapeau de brousse".....Las, à l'heure supposée, le guide n'ayant pas eu le bon goût de pointer son grouin, notre bataillon de vazas, grave motivés, part en excursion, comme qui dirait, en autarcie.....Mireille et Pascal, en parents rusés, se débrouillent rapidement pour nous fourguer leur gentil garçon, Swann, qui se joint à Pascaline et Olivier pour constituer l'équipage du Newmatic, direction la mangrove, pour une exploration en profondeur des site dégoulinants de crocodiles.....c'est beau la mangrove, très beau même, mais, au bout d'un moment, ça lasse son monde.....et avec ça , question croco, pas la queue d'un! Par bonheur, le petit coyotte se tient bien, (Pascaline et Olivier aussi.....), et donc, quatre litres d'essence plus tard, après une votation démocratique et forestière, il est décidé à l'unanimité de se replier sur nos canotes respectifs et d'appareiller illico, car, c'est pas tout ça, mais il reste encore du chemin à parcourir, et la brise de mer ne va pas tarder à s'établir.

Le temps de préparer le camion, le guindeau avale sa chaine vers midi, et nous appareillons, bientôt suivis par Neos et Coyote. Je ne saurais relater la suite sans faire un brin mon intéressant, histoire d'énérver encore un peu mon ami Olivier.....bref, c'est vers 16 heures que Catafjord mouille son ancre à l'endroit que nous avions convenu, et il s'y trouve bien seul,....... car les bateaux amis sont matérialisés par deux minuscules points sur l'horizon.......bah, pas de quoi faire le fier, et je ne saurais en tirer une quelconque vanité; mais je ne saurais non plus cacher le plaisir de voir les silhouettes de nos amis s'estomper derrière nous cependant que le speedo affiche onze noeuds comme un gros frimeur. Catafjord, avec son look débonnaire, trompe facilement son monde........Vivement l'apéro commun qu'on en débatte un peu.....

Mercredi 18/10 Moramba bay;

Le soleil joue à cache-cache avec les tentacules crispées tenant lieu de branches aux baobabs. Une famille de lémuriens s'obstine à y séjourner au dernier étage, se catapultant de branche en branche, loins des tromblons téléobjectifs, seuls capables d'en saisir les détails à cette distance. Les équipages des quatre canotes français mouillés devant la plage, sont là, au complet, ébahis par la beauté sauvage du décor. La ligne dorée de sable blanc est interrompue par des formations karstiques semblables à celles des alentours de Phuket, sortes de champignons minéraux, bouffés à leur base par l'érosion, et surmontés d'une végétation dense, dominée par le roi baobab. Quel arbre magnifique! majestueuse bonhomie végétalisée. Les malgaches lui prêtent des vertues sacrées et le traitent comme un monument religieux pour y faire offrandes et dévotions, ou implorer les esprits. A l'instar de l'arbre du voyageur, un coup de machette dans le tronc transforme l'église en une méga-gourde capable d'étancher la soif de tout un régiment de bananes (je connais, moi aussi, quelques bonnes gourdasses au profil de baobab, mais......bref). Olivier et moi devisons sur quelques sujets majeurs ainsi que nous avons coutume de le faire cependant que nos épouses titillent l'Olympus ou le Lumisque, afin d'enrichir l'album photo, quand, tout-à-coup, soudainement, telles une paire de Saintes Maries devant les soeurs Bernadettes Siamoises, deux avenantes silhouettes féminines émergent du bois, pleines de grâce, en saris vaporeux et chapeaux de brousse de paille sans queue! Olivier balbutie une phrase genre:"ah, ben! si j'm'attendais.....", et nous faisons connaissance. Brigitte, la propriétaire du domaine que nous foulons aux pieds (le domaine, pas la dame, évidemment), prends le frais en compagnie de sa copine Solange, échappée quelques jours de son appart de Tana pour une immersion provisoire en cambrousse. Brigitte nous entraine sur un sentier sablonneux jusqu'à ce qu'apparaise à nos yeux ce tableau de rêve: la mer, en arrière plan, de laquelle émergent une succession d'ilôts karstiques, perchés sur leur unique pilotis rocheux, et juste devant nous, une séduisante construction de bambous à toit de palmes, ayant vocation de chambre d'hôtes. C'est sobre, de bon boût, et propre à générer un bien-être serein. Quelques dépendances, également construites en bambous, deux ou trois pirogues halées sur le sable, un espace pour se nourrir et un autre pour cuisiner, et la brousse alentour. Tout y est!....ou presque. Brigitte, volontaire et courageuse, a mis tout ça en place, et bien d'autres choses encore (des cultures, en particulier), travaillant sans relâche sur ce projet depuis de nombreuses années, relevant la tête avec opinâtreté après chaque mauvais coup. Bravo! le résultat est très avenant.

Solange est bien différente. D'origine malgache, également, mais issue d'un milieu aisé, elle a passé de nombreuses années de sa vie en France et aux USA, et possède un niveau d'études et de culture élévé. Elle nous apprend beaucoup de choses sur les dures réalités de ce pays, qu'elle retrouve après une longue absence. Bruno, le compagnon de Brigitte, était skipper sur des bateaux de charter; aussi, les sujets de conversation ne manquent-ils pas, lors de l'apéro que nous prenons tous ensemble à bord de Neos. Rendez-vous est pris demain matin, pour un "audit" de la pirogue à voile dont les performances laissent un peu à désirer (normal, elle a été construite différemment de ce que tout le monde connait ici.....). Ce sera l'occasion d'un déjeuner malgache sous le toit de palme du "salon d'extérieur".

Jeudi 19/10; matinée encore une fois consacrée à l'entretien courant: déposer le winch de génois tribord afin de renforcer en carbone/epoxy son assise qui a pris une inquiétante souplesse avec le temps. Puis, revient vers onze heures le temps du bonheur avec une suite ininterrompue de moments captivants jusqu'à la conclusion conviviale, apéritive, et rigolarde, dans le cockpit de "ratepi" cette fois. Solange nous détaille par le menu son ambitieux projet de marina moderne dans cette baie....(nous, on la préfère telle qu'elle est en ce moment, cette baie). Afin de l'assister efficacement dans ce travail pharaonique, elle s'est adjoint les services d'un spécimen rare d'"homo inventus": Georges, immédiatement surnommé "Georges de la jungle". Comment vous dire? ......essayer d'imaginer le produit du croisement d'un Woody Allen sans humour avec un Benoit Pouleverte culpincé à lunettes.....Jojo a un métier peu commun: il se dit "inventeur sur commande".....pour le moment, aucun de nous n'est encore parvenu à identifier une de ses inventions, mais ça ne veut pas dire qu'il faille stopper les recherches....gageons, qu'ici, à Mada, vu l'état du pays, notre bipède doit pouvoir pondre un paquet de trucs utiles, si ce n'est nécessaires, et surtout, à la portée de toutes les brousses. Je devrais mettre une miette d'optimisme dans mon océan de pessimisme concernant l'avenir de ce pays fort attachant, maintenant que Jojo a mis sa diabolique machine de cogitation au service de la cause malgache,.......mais j'arrive pas!