Jeudi 28 Juin; l'avion qui nous ramène vers Catafjord n'a même pas encore atteri que la douceur tropicale est déjà palpable. "C'est l'hiver; il fait froid" nous dit-on. Sans doute; cependant, il fait juste dix degrés de plus qu'à Brest.....sympa tout de même...

Xavier est là, à nous attendre, même pas agacé par notre demi-heure de retard. Il a bien rempli sa mission, confirmant l'impression de sérieux qu'il nous avait donné dès notre première rencontre; c'est un gars fiable que je n'hésiterais pas à recommander à qui voudrait laisser son canote à Maurice. De son coté, notre brave Catafjord s'est, lui aussi, bien tenu, et nous nous y installons avec délectation. L'île nous a semblé très belle vue du ciel; reste maintenant à la visiter pendant quelques jours avant de reprendre notre vagabondage vers l'Ouest.

Samedi 29 Juin; ballade en vélo....sans batterie....ouille, ouille, ouille! ces moteurs éléctriques pervers avaient fini par nous habituer à l'idée que nous sommes des cyclistes émérites......et mes rides, surtout! Car le retour aux dures lois de la pédale se charge de nous en dissuader, lourd! ("lourd", c'est comme "grâve", mais version perso). En même temps, monter les cotes à pieds en poussant les vélos, ça permet de mieux admirer le paysage, en particulier ces salines en pierre de lave curieusement situées sur une hauteur. Puis, Case Noyale nous offre une halte originale avec ses bancs ombragés par des banians somptueux. Ils me font vraiment délirer ces arbres; pour moi, ce sont les rastas de la canopée, avec leurs lianes en dreadlocks et leurs troncs multiples et enchevétrés qu'on croirait un tableau éléctrique maghrébin: c'est plein de câbles végétaux de diamètres différents emberlificotés les uns dans les autres, torsadés n'importe comment.....ça ne peut pas marcher! Ceci dit, c'est des arbres.....; ça n'a pas à marcher non plus....Franchement, comparativement à des pins, par exemple, à la rectitude quasi-militaire (et vaguement inquiétante, il faut bien le dire), le banian fait figure de dévergondé.....avec cependant (comme ses lianes.....) un coté "poète" toujours sympa.

Cette partie de la côte ne possède pas de plage; ainsi, le jusant dépose les barques de pêche négligemment sur la vase, leurs filets débordant en vrac comme la chantilly sur le capuccino que je viens juste de faire pour Malou; c'était sa récompense pour avoir nettoyé les coques hier, en snorkelling. Ce matin, c'était mon tour, avec le narguilé, pour les hélices et safrans.

L'anse de rivière noire était autrefois protégée d'hypothétiques agressions extérieures par deux tours dites "tours Martello", dont l'une est devenue musée. Il se trouve que chaque dernier samedi du mois, on peut se culturer gratos en visitant le massif édifice, et surtout, en écoutant, attentivement et sans faire le pître, la jolie guide créole qui nous en livre tous les secrets....s'agissant de secrets militaires, je ne peux vous en dire plus.....qu'il vous suffise de savoir que ces empilements de cailloux ont été édifiés par les Anglais qui en avaient perfidement pompé le principe sur certaines tours génoises sises en Corse et dont au sujet desquelles, nos amis d'outre-manche en avaient baillé quatre coups après avoir capté l'ampleur de leur perspicacité. Donc, pas la peine de nous prendre pour des truffes et de se permettre d'incinérer nos vierges orléannes....(je me comprends....). Un peu de retenue messieurs les Anglais.

Sinon, à part ça, la journée se conclut sur un apéro-Catafjord avec punch planteur au rhum de la Guadeloupe, à l'attention de quelques amis. Outre l'équipage de "Néos", deux autochtone amenés là par Olivier, puisent activement dans la bassine centrale, dont un, alors là, je vous le donne en huit cents ( vingt pour cent de remise le samedi soir.....c'est aussi çà les tropiques....): un certain Jean-Pierre LABAT!!!!, qui affirme descendre en plus ou moins droite ligne (à cause du rhum forcémment....) du saint homme déjà évoqué dans ce site, et ailleurs! Elle est pas banale celle-là tout de même! Bon, le garnement essaie de me bourrer le mou en m'expliquant que c'est ici, à Maurice, qu'on fait le meilleur rhum du monde.....je ne suis pas un gars impulsif; mais là, honnêtement, je suis obligé de puiser dans mes réserves de sagesses pour parvenir à me retenir de lui verser la bassine sur la tronche; en même temps, j'aime pas gâcher.

Lundi; excursion "Pamplemousse", avec la visite de l'ancienne usine sucrière, aujourd'hui transformée en musée. Deux heures de bus depuis rivière noire! et ce n'est pas le style "pullman" comme bus....disons qu'on entend bien le moteur et que les ralentisseurs, qui n'impressionnnent pas du tout notre chauffeur, ne nous laissent pas le derrière indifférent. Bref, le musée, sis à l'intérieur même de l'usine, où tout est en place comme au temps de l'exploitation, nous captive littéralement. Outre la description scrupuleuse du délicat process de cristallisation, les explications prennent la forme d'un historique de l'île à travers son passé sucrier (et quand le sucre y est, c'est plus suave.....). La visite se termine par une originale dégustation de sucres différents, dont il existe une douzaine de variantes obtenues à partir des mêmes cannes, en modifiant uniquement les paramètres de cuisson du sirop. Mais oserais-je clore mon récit en passant sous silence l'ultime instant de grâce préalable au retour vers Cataf?.....non, bien sûr! Vous êtes évidemment à mille lieues de vous en douter, mais la dégustation n'est pas QUE sucrière.....Car, qui dit sucre, dit mélasse, qui dit mélasse dit "stillation"......hélas, la distillation de la mélasse, ça donne une boisson alcoolisée que d'aucuns appellent "rhum", alors que....... Là, je dis attention: il est essentiel de ne surtout pas confondre le rhum de mélasse et le rhum obtenu à partir du vin de canne, lequel peut s'enorgueillir de l'appellation de "rhum agricole". Ces deux breuvages sont aussi différents l'un de l'autre que peuvent l'être le champomy et le cidre de notre cher Hubert. Disons que le rhum de mélasse de Maurice est au rhum agricole de Marie-Galante ce que le curé de Camaret est au père Labat.

Bref, le sous-produit de la mélasse étant un breuvage aux qualités gustatives modestes, les marketing boys locaux ont eu l'ingénieuse idée d'en commercialiser des versions "arrangées" qui trouvent grâce auprès du bon peuple, lequel reste le meilleur représentant du bon sens "de terrain".

Ici, la petite dame de la dégustation applique à la lettre les consignes de sa direction, en nous servant des rations qui garnissent juste juste le fond du dé à coudre....ce n'est certes pas cette dégustation-là qui risque de me faire perdre la tête au point de louper l'heure de l'apéro. Par contre, la lenteur du trajet retour......déjà plus.

Jeudi 4 Juillet; encore une journée magnifique, mise à profit pour nous culturer, avec, cette fois, la visite des salines de Tamarin. Nous nous y rendons à vélo, l'après-midi, alors que le soleil a commencé sa descente vers l'horizon, et que donc la température est douce et la lumière chaudasse. Une jolie mauricienne nous fait la visite guidée pour dix euros. Ces salines qui comportent environ 1500 bassins dont les trois-quarts sont en glaise et les autres en pierre de lave, ont été construites il y a 75ans....mais elle font beaucoup moins....et produisent vingt tonnes de sel par jour, entièrement transportées sur la tête par de vaillantes paludières. Ces dames oeuvrent au petit jour, avant que les rayons du soleil ne soient trop entreprenants. La plupart embarquent quarante kilos sur le haut de leurs crânes, mais quelques costaudes déhambulent gracieusement avec un couvre-chef en sel massif de soixante kilos....manquerait plus que ces kolossales transporteuses soient aussi des génies de la galipettes, et alors, que resterait-il aux autres???? mais où m'égare-je encore?.....

Donc, le site de Tamarin a été choisi pour cette activité car l'endroit bénéficie d'un ensoleillement exceptionnel et d'une ventilation qui ne l'est pas moins, car l'alizé parvient à se faufiler entre les différents sommets; ce qui prouve s'il en était besoin que les gens n'étaient pas plus couillon il y a soixante quinze ans que maintenant.

L'eau pompée à la mer, est envoyée dans les bassins supérieurs; de là, par un jeu de pinoches qui bouchent des buses, manipulées manuellement (attention à ne pas sortir cette phrase de son contexte.....), on règle le débit d'eau dans les bassins de plus en plus inférieurs, dans lesquels la salinité augmente tant et si bien qu'arrivé en bas, dans les bassins en pierre avec les dames botées dedans, c'est quasimment plus que du sel avec presque pas d'eau, et ça tombe bien car c'est justement le but recherché. On ratisse....hop sur les têtes, direction les hangars de stockage, et voilà le travail!

Poussant la visite jusqu'à l'usine, à l'autre extrémité de la propriété, nous avons la chance de nous entretenir avec Jean-Jacques, son sympathique manager, qui nous livre quelques précisions bien instructives. C'est ici que le sel est séché, broyé en sel fin, et conditionné pour la vente. La totalité de la production est consommée sur Maurice même; ce qui n'est pas très étonnant car, le sel chinois étant incomparablement moins cher, cette activité bénéficie d'un petit coup de pouce de l'état.....au titre du patrimoine culturel.

Samedi 6 Juillet;

Notre ami Olly est un personnage fort captivant et bien singulier. Comme tout un chacun, il ne dédaigne pas de tourner en dérision moults bêtises humaines, alimentant ainsi joyeusement les conciliabulles apéritives, voire digestives. Avec ses récits truculents, il amuse beaucoup son auditoire, et jusqu'à sa charmante épouse Calinepass qui n'est pas la dernière à se poiler. Quoi de particulier dans tout ça m'objectera-t-on, et pas seulement laveur.....Voici donc: il se trouve que les bévues qu' Olly affectionne particulièrement de détailler par le menu, sont souvent les siennes propres, qu'il ne néglige cependant pas d'accompagner de force détails, et parfois même de quelques lapsus savoureux dont il est un genre de champion du monde.....ainsi donc, le mât de son canote serait équipé de barres de flêches "repoussantes"!.....fantastique, non? probablement elles ont dû pousser, comme leurs consoeurs, lors de la première navigation, et donc, par la suite, forcémment, elles re-poussent.....normal. Au sujet de je ne sais plus quel équipement nautique de première importance, notre ami ne craint pas d'affirmer haut et clair: "j'ai toujours demandé à en avoir deux!"; on peut le comprendre. Dix années pour apprendre à utiliser son hélice, en découvrant le mode d'emploi sur un forum d'internet, ça ne lui fait pas un brin de peur à lui..... Délicieux Olly; c'est le seul gars que je connaisse à se foutre de lui-même avec une telle déléctation; c'en est un vrai bonheur! Fasse le ciel qu'ils ne changent rien car leur compagnie nous est tout-à-fait agréable ainsi. Bon vent les zAmis!

Malou s'est donné pour mission de raviver les inox.....fort nombreux. Et, bien sur, elle en vient à bout. C'est vrai que ça améliore nettement le look du canote. Tellement brillants maintenant qu'il faut des lunettes de soleil.....même la nuit.

Dimanche 7 Juillet; retour à Port-Louis, au moteur; pas de vent. Notre séjour à Maurice approche de son terme, c'est pourquoi nous rejoignons la ville afin de préparer l'appareillage vers La Réunion. Quelques emplettes, puis les formalités de sortie.....la météo laisse entrevoir un départ possible mercredi 10.....