Jeudi 7 Février, onze heures du matin; l'avion vient de se poser; nous foulons, de nouveau, le sol Thaïlandais, avec une heure et demie de retard sur l'horaire prévu.....mais quelle importance?

Notre chauffeur de taxi est au rendez-vous, et nous mène rapidement à la marina où Catafjord ne nous attend pas car il est mouillé à l'extérieur.....et c'est en dinghy-stop que nous le rejoignons avec une grande joie; il est resté bien peinard à tirer sur sa chaine d'ancre ces quatre dernières semaines, et nous le retrouvons tel que nous l'avons laissé, ni meilleur ni pire.....aussi est-ce à dire que ce qui était "à faire", l'est toujours......Pour l'heure, c'est d'une bonne cure de sommeil dont nous avons besoin pour digérer nos onze heures de décalage horaire.

Vendredi 8 Février;

petite plongée d'inspection sur les hélices et lignes d'arbre.....une horreur! une couche de berniques d'un centimètre et demi d'épaisseur enveloppe toutes les parties métalliques. L'eau est trouble et les méduses nombreuses.....je vais me contenter d'un décapage grossier juste suffisant pour pouvoir quitter le quartier et je peaufinerais juste avant le départ en traversée.

Samedi 9 février;

nous avons rendez-vous avec le pompiste de la marina pour faire le plein de carburant avant notre traversée prochaine de l'océan Indien. Le remontage des soixante-dix mètres de chaine s'avère plus fastidieux que d'ordinaire car toutes sortes de bestioles aquatiques résidants dans des cônes calcaires ont colonisé tous les maillons....ça fait un bruit de korn flakes quand ça passe dans le barbotin du guindeau....et le gratin de berniques qui en découle ne tarde pas à sentir la petite fille négligée dès les chaleurs de l'après-midi......la solution passera par un grattage systématique maillon après maillon avec un couteau à bout pointu; un passe-temps comme un autre.

Dimanche 10 février, 8 heures; by by Yacht Haven.....comme pour nous encourager, une jolie brise nous propulse à bonne allure vers Ao Chalong que nous atteignons à point pour le déjeuner. En face, de l'autre coté de cette grande baie, en haut de la colline, la silhouette rassurante du Big Bouddha de marbre blanc semble imprimer une quiétude transcendentale à tous les alentours.

Lundi 11 février; nous ne sommes pas très vaillants en ce début de semaine, et c'est bien fâcheux car la liste est longue des tâches à accomplir avant de reprendre la mer. Un état grippal tenace, avec gorge en feux et nez qui coule nous maintient en semi-léthargie, alors même qu'il faudrait bien mieux se bouger "grâve" le coccix. Par bonheur, nous retrouvons ici Martine et Bob et passons en leur compagnie un moment agréable.

Mardi 12 Février; c'est décidé, on attaque l'opération "appros de départ". Un taxi nous dépose devant la grande surface que nous avons élue pour y engloutir quelques paquets de baths; le "super cheap" s'avère également super-typique comme établissement, et bien à l'image de Phuket town. Ici, point de carrelage astiqué ni d'inox étincelants, non plus qu'aucun festival d'enseigne lumineuse colorée; nous sommes dans le populaire populassier bien basique. Le bâtiment est immense; je dirais au moins cinq mille mètres carrés; le sol en béton brut est parfaitement inégal, agrémenté de déclivités, de trous, de flaques d'eau ruisselants de certaines armoires réfrigérées mais pas trop et qui favorisent probablement le feu d'artifice olfactif qui nous est offert sans supplément de prix.....le toit de tôle ondulée, légèrement rougeoyant à l'oxyde de fer, est supporté par une charpente en vrais troncs d'arbre à peine dégrossis tels qu'on s'étonne de n'y point trouver de branche feuillue. Quelques néons surtout pas surnuméraires diffusent juste assez de lumière pour lire les prix, mais pas assez pour les petites lignes écrites sur les étiquettes; c'est ballot......Les denrées sont entreposés dans des rayonnages industriels, à l'exception des nombreux amoncellements de cartons disparates qui entravent la déjà laborieuse progression dans les allées étroites. Ce commerce vent absolument de tout! non seulement en matière de bouffe, mais on y trouve aussi des échappements de scooter, de l'outillage, du grillage, des fringues, ainsi que chapeaux de brousses et lunettes de sable.....au bout de presque deux heures de pousse-chariot, le véhicule ayant largement atteint sa charge maximum utile, il est temps de passer à la caisse, puis de benner tout le fourbi dans le taxi, comme on peut, c'est-à-dire, en partie sur le siège passager avant. De retour sur la digue la digue, une chance, le vent a molli et le clapot a bien diminué, ce qui nous facilite grandement le transbordement; encore une paire d'heure pour ranger et, ouffff, on respire, cependant que le jour décline déjà, appelant la messe apéritive d'une honnête fin de journée bien remplie (comme les verres.....)

Mercredi 13, suite des commissions; avec une sympathique rencontre de début de journée: le capitaine d'un Swan 80 de charter et sa jeune épouse Thaï qui nous emmènent dans leur auto climatisée jusqu'au "village market", le mal-nommé, car ce n'est pas du tout un marché et il est situé en pleine ville....comme quoi, des fois, les gens donnent des noms.....franchement, on s'demande. Bref, ce petit supermarket, sis dans un quartier moderne de Chalong, ressemble en tous points à ce que nous connaissons en France; tellement climatisé que nous enfilons bientôt nos petites laines pour éviter de rechuter de nos petits embarras rino-pharingo-chiatiques. Le laisser-aller n'est pas de mise dans le coin.....tout le personnel est en tenue réglementaire, avec pas un poil qui dépasse et pas le plus petit début de fantaisie orientale. Par contre, on trouve quantité de produits appréciés des occidentaux, comme par exemple le bâton de Justin le berger Bridou.

A présent, il ne nous manque plus que quelques fruits et légumes, que nous trouverons au marché demain matin, et la question de la nourriture sera réglée pour plusieurs semaines.....j'ai même le sentiment qu'on aurait le stock de départ suffisant pour ouvrir une petite épicerie aux Maldives.....mais peut-être me gourre-je......

Cet après-midi, à peine redressé de ma petite sieste de dix minutes, voici que m'habite soudainement le courage de procéder au remplacement de la pompe de wc tribord, laquelle m'a déjà signifié à deux ou trois reprises son intention de faire valoir ses droits à la retraite; ayant toujours su prêter une oreille attentive aux revendications sociales de mon matériel, je m'attelle sans délai à cette tâche post-méridienne, avec, cependant, un vague pincement au coeur généré par le souvenir de mes dernières pérégrinations de chasse-d'eau en compagnie de ma fille,Claire. Je ne sais pas si mon métabolisme est mieux adapté aux interventions sur objets nautiques ou quoi ou caisse, toujours est-il qu'en une demi-heure, la nouvelle pompe est en place, et l'ancienne, non pas jetée à la poubelle comme l'eussent fait tous ces gens qui remplissent les poubelles avec des tas de trucs divers, mais dûment rangée dans le fourbi, au rayon "pompe qui peut encore servir".......alors, bien sûr, si l'on vent considérer la probabilité que cet objet reprisse un jour du service, il est indéniable que le chiffre à retenir soit encore plus faible que le rendement de notre assurance-vie......c'est vous dire! Certes,.... pourtant, on ne sait jamais.....même si j'ai encore en magasin une autre pompe neuve, plus toutes les pièces pour en fabriquer encore une, plus deux ou trois pompes usagées mais pas jetées......ça en fait des pompes, je sais; mais les chiottes, c'est important!.....bon d'accord, je vais encore réfléchir.....je lis, en ce moment, un bouquin sur le bouddhisme, lequel prône le détachement de tout; mais je n'en suis encore qu'au début, et, pour le moment, aucun chapitre ne traite du sujet des wc.....je me retrouve donc livré à moi-même pour décider de jeter on non ces éléments qui, comme je l'ai déjà exprimé un peu plus haut: "peuvent encore servir"......pas facile!

Jeudi 14;

Ah la grâce, la beauté, la majesté du geste professionnel mille fois répété jusqu'à friser la perfection au babyliss......Chaque métier manuel possède ainsi ses tours de mains spécifiques qui distinguent infailliblement l'authentique artisan du bricoleur occasionnel. Voilà la pensée que m'inspire la comtemplation quasi-béate du douanier qui officie solennellement derrière son grand bureau, climatisé comme un freezer. Quelle coordination dans les mouvements lors de l'accomplissement de son forfait "huit tampons pour le prix de six": une main positionne la feuille avec précision, cependant que l'autre, armée du tampon n°1, frappe en premier le récipient encreur, duquel elle semble rebondir avec une énérgie décuplé pour se rendre à vitesse supersonique (ta mère) à l'emplacement exact de la case "ad hoc" qu'elle indélébilise en une fraction de seconde! Epoustouflant! et ce n'est pas tout, car cette manière d'exploit tamponnatoire est répétée de multiples fois, sur de multiples feuilles toutes plus indispensables les unes que les autres. Notre homme connait son affaire, détachant telle feuille de son carnet à souche, la juxtaposant avec soin avec telle autre, en ayant pris soin , au préalable, d'ôter le carbone et de le faire voler avec la grâce d'un papillon dans la pile des carbones, a dessein d'obtenir un judicieux bouquet de papelards que l'artiste va maintenant marier pour le meilleur et pour le pire par le truchement de son agrapheuse.....est-il un mouvement plus magistral, plus altier peut-être même que celui du douanier, liant par son agraphe le sort d'un paquet de formulaires fraichement tamponnés? les feuilles ont été tapotées ensemble deux fois; un coup sur la tranche verticale, un coup sur la tranche horizontale; et ça y est, le décor est planté: l'angle supérieur droit est droit et bien droit; quatre vingt dix bons degrés, pas un de plus, pas un de moins! puis arrive l'instant magique où le petit bout de fil de fer pointu va venir se ficher exactement à la bissectrice de cet angle droit, à environ une longueur d'agraphe de la pointe. C'est net, précis, sans cafouillage aucun; du grand art vous dis-je! Et le tout, sans parole inutile pour venir troubler le recueillement de chacun; je ne dirais qu'un mot: respect!........ "three hundred baths" lâche enfin l'incontournable; soit 7,5 euros....moi je trouve qu'une si petite somme pour un si magistral spectacle c'est comme qui dirait un cadeau; un cadeau d'adieu puisque nos formalités de sortie de Thaïlande sont maintenant accomplies.

vendredi 15 février; journée de préparation ultime, dans la charmante baie Nai Harn, au sud de Phuket.

Vérification des moteurs, nettoyage des coques par Malou et un grattage très soigneux des hélices et lignes d'arbre car nous attendons peu de vent et il est probable que les machines vont ronronner quelques heures. Nos gorges se sont apaisées et la santé revient gentimment; il va être temps d'appareiller......