Mardi 30 Octobre; pas fâchés de quitter Georgetown; à cause du mouillage principalement, car cette ville s'avère plutôt attachante; mais, cette eau nauséabonde, jonchée de détritus......ça lasse rapidement. Avant de quitter les lieux, je nous débarasse définitivement de la copine rongeuse, qui n'était, en fin de compte, pas si morte que ça.....vu qu'elle a fini par venir se scotcher dans le piège gluant, acquis la veille à vil prix chez le chinois du quartier chinois ( mais pourquoi dire "chez le chinois", alors que dans le quartier chinois, les bretons sont vachement rares, et les chtis aussi, sans parler que, des vendéens, j'en ai pas vu la queue d'un....); bref, "cui-cui-couillli", c'est les seuls trucs qu'elle a su me dire au moment de l'immersion pour la leçon de natation que je lui proposais....je me demande si ce n'est pas un peu ingrat ces bestioles-là.....ou alors elle se la pétait à cause que c'était une souris blanche..... je ne connaitrais jamais la signification précise de ces petites injonction, mais j'ai bien senti qu'elle voulait me dire quelquechose.

A l'issue d'une nouvelle journée de navigation motorisée, nous atterissons, à la voile (de trois à cinq, il y a 7 noeuds de vent.....faut en profiter....), dans un endroit majestueux, situé entre deux îles, dans le sud de Langkawi? C'est beau comme les cartes postales! ou comme les photos des agences de voyages.... Un truc étonnant: le mouillage est ridiculement exigu.....et pourtant, nous y séjournons à deux bateaux, car un petit cata Warham occupe déjà les lieux. L'endroit est impressionnant; un peu comme dans un fjord; nous sommes littéralement "coincés" entre deux murailles de végétation; c'est très serein comme quartier, malgré le coté un peu oppressant.

Jeudi 1er Novembre; Catafjord est mouillé juste en face de la majestueuse statue d'un aigle de mer prenant son envol, emblême de Langkawi. Eagle bay offre un abri tout à fait seyant, car protégé de tous les vents, qui, en plus, sont faibles la plupart du temps. La petite ville de Kuah, blottie au creux de son aile, est à même d'approvisionner à peu près tout ce que peut souhaiter un voyageur en escale: une voilerie, quelques petits shipchandlers, des "bottle-shop" duty free en quantités et toutes sortes d'autres endroits où l'on peut s'appauvrir "hors taxe" car c'est un port franc (mais pas "porc franc" à cause d'Allah qui est grand et à l'oeil sur tout.....)

Vendredi 2 Novembre: journée besogneuse; on remet les casquettes de grouillot.....Le vendredi étant le jour de relâche des musulmans, impossible de trouver une bonne paire de bras velus autant que vigoureux pour nous aider à déposer la grand'voile; alors, on se la colletine tous les deux, Mamilou et grand-père. C'est pas un petit boulot! pas loin de 80 kilos une fois débarassée des lattes et des chariots. Bref, pour midi, le bout de chiffon est rendu chez Eria, la Madame qui répare les voiles et qui dit que ce sera fait la semaine prochaine. Dans la foulée, nous en profitons pour faire aussi réparer et améliorer le lazy-bag qui tient plus de la serpillière que de la robe de mariée présentement......(en même temps, une robe de mariée pour emballer une grand'voile, franchement....."y a des fois, on s'demande....." comme dit mon "Xave").

Depuis presque une semaine, je suis handicapé par une douleur lancinante au coude droit, qui se prolonge jusque dans le pouce qui est à l'extrémité du même coté et ça tombe vachement mal. Non pas pour la question de comment faire pour lever le coude quand c'est l'heure, car je suis ambidextre de l'apéro.....mais pour tout le boulot que nous avons à assumer sur le canote, ça aurait été mieux d'avoir tout qui marche bien....par chance, grâce à Malou qui lui a écrit, et à Jean-Yves qui n'est pas si chauve que ça, mais qui lui a répondu "de suite", nous avons pu mettre en place une médication ad hoc (avec des ingrédients que c'est déjà lui qui les avait fournis), et, ce soir, c'est plutôt moins pire! Merci Jean-Yves.

Dimanche 4 Novembre; c'est pas pour dire, mais la petite mousse qui glougloute à travers mon gosier dominical est d'abord et avant tout une mousse hydratante; ayant tant bossé aujourd'hui malgré la chaleur lourde elle est bien méritée, ne serai-ce que pour reconquérir tout ce qui s'est évaporé en sudation lors de cette laborieuse journée. Débutée par le transport, puis le transvasement de 150 litres de gas-oil en jerrycans, le courage ne m'a pas abandonné pour attaquer le démontage des commandes moteurs; toute la journée y est passée, et ce n'est pas terminé.....de surcroit, il est bien probable que nous décidions de le remplacer quand même, malgré mes efforts de rénovation, car c'est un bourrier infâme....bref, l'apéro de ce soir, il est vachement mérité! Il est vrai aussi que, même après une journée caractérisée par une indolence et une inactivité crasses, la saveur de mon apéro du soir s'en trouve rarement affectée.....cependant, la satisfaction du devoir accompli ajoute un genre de petit piment particulier qui majore sensiblement le plaisir. C'est un orage bien noir et bien effrayant qui a mis un terme aux tâches du jour; j'en ai profité pour récupérer une centaine de litres d'eau, trimballés, ceux-là aussi, par jerrycans (mais pas les mêmes....), ce qui constitue également un petit plaisir délicat.

Mercredi 7 Novembre; ce mouillage d'Eagle bay nous offre quotidiennement un spectacle rare et d'un grand intêret; il met en scène des aigles de mer qui habitent le quartier. Ils sont ainsi plusieurs à tournoyer en élégantes arabesques au-dessus de nos têtes de mâts, les sens en éveil, leurs redoutables serres prêtes à cramponner à la surface de la mer ces bestioles pleines d'arêtes et d'écailles que d'aucun appellent poissons. La finesse de leur vol est un véritable ravissement. Chose étrange, par je ne sais quelle parenté volatile avec leurs cousins pélicans, à la morphologie tout de même différente, ils déclenchent leurs attaques de façon similaire: à l'issue d'une période d'observation en vol plané, une espèce de déhanchement d'une des ailes, d'ailleurs un peu inesthétique, les fait basculer brutalement sur un coté, amorçant une chute qui accélère leur descente grâce à ce gros farceur de Newton, et les rapproche en quelques secondes de l'objet de leur convoitise; alors, vite-fait bien-fait, ils saisissent leur marchandise au passage, comme la ménagère préssée dans un rayon de supermarché.

Petit à petit, les différents sujets techniques qui nous ont amenés ici sont abordés, chacun à son tour, et les choses avancent gentiment; la grand'voile et son lazy-bag ont presque terminé leurs rénovations respectives.....reste encore à mettre tout ça à poste et à terminer certains renforts qu'Eria n'a pas pu passer dans sa machine à coudre. Les appros aussi sont en cours: gas-oil, bière, nouvelle commande moteurs et câbles; surtout ne pas manquer de patience, car l'efficacité de certains fournisseurs est toute empreinte d'un exotisme poético-oriental.

Vendredi 8 Novembre; à poil sous mon antique veste de ciré, je trimballe laborieusement mon jerrycan de flotte qui s'est rempli sous l'averse durant l'apéro.....c'est qu'il fallait bien finir cette délicieuse sangria concoctée avant-hier par Malou à dessein d'assécher définitivement un cubi de vin trop ordinaire acquis maladroitement à Johor Bahru. Dans la pénombre accentuée par les nuages gris lourd, je verse mes vingt litres dans le réservoir principal, la tête enfoncée dans la capuche dégoulinante; économie de bout de chandelle......mes pensées vagabondent au rythme des glouglous du transvasement....Au rang des petits plaisirs "pas cher" attachés à cette opération, il y a également celui de pouvoir pisser en même temps, sans toucher à rien.....eh, oui! on n'y pense pas à ça, mais debout sur le trampoline, à poil sous son ciré, le vagabond marin peut soulager sa vessie tout en faisant outre chose.....grâce à Newton, encore..... (mais, attention: faut pas le faire s'il y a du vent.....ah ça non! bien évidemment, ça éparpille dans ce cas-là.....).

Cette escale de Kuah s'avère riche en rencontres. Hier soir, nous avons reçu à bord, avec grand plaisir, un couple délicieux de canadiens "hors d'âge", Eileen et Ron, qui, la soixantedizaine révolue, enjoyent tranquillement leur vie de vagabonds des mers orientales depuis une douzaine d'années déjà, comme le temps passe....des épicuriens de la vie! Quelle fraicheur derrière ces rides et ces démarches hésitantes; une vrai bouffée d'optimisme! Au matin, ils nous congratulent longuement pour leur avoir offert cette si bonne soirée; bonheur bien équitablement partagé les amis; merci à vous surtout.

La grand'voile a retrouvé sa place, drapée dans son lazy rajeuni, à cheval sur la bôme; laborieux.....et il reste encore à terminer les réparations de goussets de lattes, avant de pouvoir remettre celles-ci en place, ainsi que les bosses de ris.

Dimanche 11 Novembre; profitant de la marée favorable, nous accostons le dinghy tout près du supermarché, à un genre de quai merdique qui n'est accessible qu'à pleine mer. Malou fouine partout dans les rayons exigus traquant sans répit le produit moins cher que "pas cher", cependant que je joue à pousse-chariot.....pour tromper un peu l'ennui, j'invente des sottises.....Ainsi me vient-il l'idée d'envoyer un petit cadeau à Thérèse et Hub: un steak cacheté! c'est simple: il suffit de retrouver un steak caché et congelé, puis de le poster avec l'adresse de destination sur l'étiquette....hélas, le supermarché est ouvert le Dimanche, mais pas la poste; c'est loupé (attention aussi de ne pas le prendre trop épais pour que ça puisse rentrer dans la boite à lettres, une fois cacheté....).