mardi 23 octobre; surprise au matin: un cata est mouillé dans la baie! il n'y était pas hier soir......arrivé dans la nuit sans doute. Aux jumelles, il me semble identifier un Outremer 55 battant pavillon français; il faudra que nous allions faire connaissance, un peu plus tard.

Le temple Lin Je Kong, enchassé dans la roche au nord de la baie, est d'un genre assez stupéfiant. Loin d'être aussi ouvragé et sophistiqué que le sont habituellement les lieux de culte chinois, celui-ci relève à la fois de Disneyland, la grande muraille de Chine en caricature et Genghis Khân à la pêche à la sirène.....le mec qui a pondu ce truc, un fou de béton capable de vous fabriquer des fausses souches d'arbre, des fausses branches et des faux bambous à base de ciment.....ce mec, disais-je donc, je ne sais pas ce qu'il mettait à mijoter dans son narguilé, mais je parierais qu'il n'y avait pas que de l'eucalyptus. Pour commencer, arrivant à l'entrée, qui c'est-t-y qui font le groom? Mickey et Donald en ciment!.....le ton est donné; je n'avais encore jamais entendu parler que ceux-ci eussent embrassé ce genre de religion....bref; avançons; nouvelle statue Lafarge: une sirène aux seins nus! belle prise! sauf que, comme comité d'accueil d'un temple chinois, il y aurait de quoi repartir aux études. Indépendemment de ces bizarreries, le temple est situé dans un endroit plutôt agréable; la brise thermique rafraichit efficacement l'étuve ambiante, cependant que le calme des lieux est propice à la méditation. Quelques marches plus haut, le décor devient plus classique, avec autel, statues de divinités, fagots d'encens à combustion porte-bonheur, et un magnifique dragon rouge et or enroulé autour du bazar en circonvolutions artistiques et sacrées, et en béton, bien sûr....

C'est en nous rendant à ce haut-lieu de prières que nous rencontrons une paire de gentils voyageurs français, Sarah et Nicolas; après quelques palabres, nous les invitons à visiter le canote. Et nous voici donc tous les quatres à bord du Newmatic, "visitant" au passage la marina récente et déjà hors service car mal étudiée......les Malais se sont fait une grande spécialité de ces marinas merdiques qui deviennent hors d'état en quelques années. C'est ici que le hasard s'autorise une nouvelle facétie: un autre dinghy est aussi en visite dans la marina ruinée, et c'est celui du cata français de ce matin; nous approchons pour échanger quelques civilités, et là, me croiront ceux qui voudrerons, je reconnais immédiatement mon pote Alain,.... Bompart de son nom de famille, dont au sujet duquel nous nous sommes connus au temps que nous vivions dans le midi de la France, à Port Camargue, et que ça fait de ça une petite quinzaine d'années....étonnant, non? et c'est quasiment l'heure de l'apéro....quelle coïncidence! si je m'attendais.....encore une bonne petite soirée entre amis donc....et on dit qu'on va se revoir...

Jeudi; j'ai eu le plaisir et l'avantage de trouver l'occasion de faire goûter à mon copain Alain le calva de Monsieur Hubert mon cher beau-frère, lequel a récemment accédé au rang de fournisseur officiel et exclusif de ce breuvage de connaisseur que nous appellons fraternellement entre nous "la goutte à Hubert", mais, chuttttt....il n'a point été officiellement informé de cet honneur qui lui est tombé dessus.....bref, Alain, comme on l'appelle vu que c'est son prénom....en est tombé en pamoison dans l'instant, nous livrant au passage une maxime qu'il tenait d'un amateur allemand et qui résume à merveille l'interêt de l'élixir: "apple everyday keep the doctor away".....si d'aventure quelqu'un pouvait m'en fournir une traduction en breton, je m'engage à en étiqueter la bouteille. ..

Samedi 27 Octobre; Georgetown, sur l'île Penang, est une cité fascinante en dépit de sa relative laideur. En particulier, son quartier historique classé par l'UNESCO possède quantité d'édifices; des temples principalement, et des moquées,( mais qu'est-ce qu'une mosquée sinon un temple Allah mode allal.....), ainsi que diverses vieilles pierres à vocation initiale plus ou moins guerrière. Little India et le quartier chinois grouillent de petits ateliers artisanaux, de gargottes alimentaires et de toutes sortes de boutiques où sont empilées anarchiquement des quantités invraisemblables de marchandises diverses.

Le Malais ne s'encombre pas avec tout un tas de réglementations restrictives à caractères soi-disant sécuritaires comme on peut le voir par chez nous. Ainsi, lorsqu'un temple justement, est mis en rénovation, ce qui intervient au dernier moment juste avant la décrépitude ultime, les croyeurs continuent à venir faire leurs dévotions au milieu du chantier, slalomant entre brouettes et sacs de ciment, un fagot d'encens rougeoyant entre les mains jointes, accompagnés par le hurlement des lapidaires en transes.....tout à fait stupéfiant comme ambiance méditative et transcendentale....

Juste en face du cloaque où nous sommes mouillés, se tient le très original et historique quartier "clan jetties"; tout y est sur pilotis, des habitations elles-mêmes aux chemins de bois qui les connectent entre elles, et jusques aux temples. Le coté désagréable, c'est que la flotte qui clapote en dessous de tout ça est encore plus sale qu'aux alentours, ce qui n'est pas peu dire.....pourtant, ce pays est incomparablement moins pauvre que bien des îles Indonésiennes. Je ne sais pas si le Malais est cradingue de nature ou quoi, mais ça fait maintenant plusieurs semaines que nous naviguons sur une mer-poubelle, littéralement couverte d'immondices. Tout le monde jette ses saloperies par-dessus le bord par ici.....nous le voyons faire quotidiennement; du plus modeste péchou aux équipages de sabliers ou de cargos....quelle désolation!

Depuis quelques jours, Catafjord hébèrge une passagère clandestine: une petite souris, parvenue ici on ne sait comment ( par l'annexe laissée toute la journée sur la plage peut-être....), s'attaque à nos vivres, les transformant en adorables crottounettes, d'environ dix millimètres de long et deux de diamètre......Malou lui a compliqué la vie en mettant un max de trucs dans des boites afin qu'elle daigne enfin se goberger des boulettes empoisonnées que nous lui avons disséminées un peu partout....sans succès pour le moment. La garce s'intéresse au café, et nous en a déjà éventré quelques paquets. Aussi, lui ais-je concocté une friandise spéciale week-end en mélangeant de la mort-aux-rats avec notre meilleur café, le tout servi en abondance dans de petites coupelles multicolores disséminées sur son chemin de ronde habituel.....wait and see ( je préfèrerais wait and scie....pour la couper en deux!).

Une hallucinante curiosité à ne surtout pas manquer à Georgetown, se trouve en plein centre-ville historique; il s'agit de la boutique du chimiste.....je vais vous dire: des merdiers, qu'ils soient bordéliques à titre privés ou que ce soit professionnel, j'en ai vu beaucoup.....des gratinés même parfois.....mais là, c'est une synthèse! comme disait Mr Audiart. Conscient de la monstruosité de son bazar, si ce n'est acculé par une administration responsable (ouaf, ouaf, ouaf....je plaisante....), un muret, d'une trentaine de centimètres de haut, fait lever la patte au chaland avant d'accéder au "magasin".....les spécialistes l'auront compris: toute la boutique fait "bac de rétention"! supersafe.....pensez-vous donc....... Vous n'y êtes pas du tout; ce boui-boui recèle une quantité et une diversité de produits dangereux, ou interdits, ou les deux, qui en fait un genre de méga-pétard à mèche lente ( bête et mèche lente, même.....) parfaitement dimensionné pour anéantir tout le quartier si, d'aventure, une simple étagère venait à faillir. Au milieu de ces pyramides branlantes de bocaux, un chemin de la largeur d'un seul pied, conduit au maitre de céans: le chimiste.....entièrement d'époque....à peine un peu voûté; je ne sais si c'est sous le poids des ans ou celui de la responsabilité qui serait la sienne si son bazar partait en cacahuète.....à moins, encore, que ce ne soit le fait de respirer en permanence ce petit fumet acidulé qui vous décrasse les narines les plus encombrées cinquante mètres avant d'arriver chez lui.....je vous le dis sans détour, cette visite vaut le détour.....

Sinon, aujourd'hui Samedi, jour des commissions, l'équipage se rend à Carrefour, en bus, et c'est tellement moderne, qu'on serait à Nantes, Bordeaux ou Singapour, ce serait exactement la même chose, sauf la température extérieure qui ne descend jamais en-dessous de trente degré, même le Dimanche, c'est vous dire

Lundi matin; la dépouille n'a pas encore été découverte malgré les investigations policières, cependant, je me hasarderais déjà à évoquer la récente disparition de notre copine rongeuse qui avait peut-être tout de même croqué un peu trop du fruit défendu.....qu'elle dessèche en paix et sans odeur....