Lundi 1er Novembre:

Invités à venir boulotter nos propres sandwichs autour de la pistoche, nous nous retrouvons chez Arnaud et Peg pour une improbable scéance crêpes/coiffure; sous l'immense véranda de leur jolie maison en bois d'arbre trône une petite table à plateau de verre jonchée de victuailles; entre ce que nous avons apporté et ce qu'ils ont approvisionné pour nous, on ne risque pas de manquer....au programme de l'après-midi: déjeuner de cochonailles diverses et variées qu'on enferme dans un bout de pain (par ici, on appelle ça des "san-ouiche"....), suivi d'une salade de fruits maison; nous attendons Stéphane le coiffeur, spécialement mandaté pour en colorer certaines et en débrousailler d'autres, à moins que ce ne soit les mêmes, cependant qu'étant encore, pour ma part, sous le coup de la scéance de ratissage gracieusement offerte par la production de "l'ordre et la morale", j'en suis cette fois-ci exempté et c'est pas dommage. Cet original programme de début de semaine est complété par le traditionnel goûter crêpes/cidre/nutella qui tombe à point pas nommé du tout, vu que la digestion de la montagne de charcuterie de ce midi est à peine commencée....

Quelques scènes cocasses viennent égayer cette réunion: le pourvoyeur d'eau local a sournoisement fermé ses vannes justement aujourd'hui, c'est pas de veine! aussi, il ne reste plus qu'à rincer les "couleurs" des dames avec ce fameux outil de jardin dont la poésie n'a d'égale que l'éfficacité, à savoir, l'arrosoir en plastoc vert. Malou, à 4 pattes dans le jardin, survétue de sa très seyante cape en plastique noir, la tête comme une glace italienne surmontée de chantilly, se fait verser par Arnaud l'eau nécessaire au rinçage du colorant; quelle dextérité cet Arnaud, dans l'art de diriger le jet de son instrument délavé par le soleil!

La petite assemblée se livre dans l'après-midi à une analyse génétique centrée sur l'étude de la morphologie des pieds des 2 récents rejetons de la famille Pegarno; fascinant : Arnaud détaillant les gros orteils trop courts de ses descendants, considère cette malfaçon congénitale comme un genre de "marque de fabrique", et en tire une fiérté aussi légitime que cocasse, un peu comme le menuisier qui vanterait sa chaise avec un pied plus court que les autres......La nuit tombe. Stéphane se mue inexorablement en capilliculteur nocturne, officiant sans moufter dans la pénombre; il colore, il décolore, il débrousaille, il raccourcit sans relâche.....quel tempérament! Tintin roupille dans le hamac, au vu et au su de tous, sans qu'aucune plaisanterie graveleuse ou humide ne vienne troubler son repos, j'en reviens pas! Malou promène son petit-fils n°2 dans la brousaille; la journée s'écoule pesamment sous un ciel gris de saison chaude; vivement le retour de l'alizé. Hier, c'était le départ de la route du rhum. Gros Titi s'est tout naturellement inscrit à "Virtual Regatta" comme il aime bien faire, c'est lui qui me l'a dit. Sauf que je ne sais quel mouche à mer l'a piqué, voilà t'y pas qu'y m'a également envoyé en régate imaginaire à l'insu de mon plein gré sous le pseudo hallucinant de "domilechichon"! y a des fois, on se demande vraiment....bref, maintenant qu'il m'a collé ce truc dans le citron, je n'arrive plus à m'en détacher l'esprit, au point de me relever la nuit pour affaler le spi de mon trimaran onirique et modifier mon cap au sortir de la Manche. Donc, cet après-midi de Lundi, je sollicite officiellement une interruption de scéance crépatoire afin d'aller optimiser la trajectoire de mon bolide en pianotant sur le clavier d'Arnaud. A ce petit jeu, les places se gagnent et se perdent par paquet de mille! la régate virtuelle, c'est une autre dimension!

Mardi; je dois le dire, les chtits n'enfants nous gâtent trop. Depuis que nous les avons rejoints, nos babordais chéris nous inondent de cadeaux, genre comme si ça leur faisait plaisir qu'on soit venus.....aujourd'hui, leur générosité se manifeste en nous offrant à chacun un baptème de plongée avec bouteilles. Malou et moi sommes bien habitués aux activités nautiques de surface. Question "bouteilles", tout ce qui est picrate, apéro, dijo, tit'mouss et toute cette sorte de choses, on essaie de se tenir informés. Mais, se servir de bouteilles pour aller regarder à l'intérieur de la mer....on connais pas. Contrairement à Claire et Tintin qui sont, eux, de véritables afficionados du commandant Cousteau; la preuve, la deuxième chose qu'ils se soient procurés après les bonnets rouges, ce sont des blocs de plongée et tout le bazar qui va avec. Ce mardi donc, nous embarquons avec toute la famille dans la barcasse du capitaine Stephan, en compagnie d'un troupeau de combinaisonnés impatients de jouer les apprentis cachalots. Pascale, la gentille assistante du bord, nous livre force éspicâtions afin que la demi-heure d'immersion à venir nous laisse un souvenir imputrescible. Malou fait baby-sitting avec ses deux petit-fils, cependant que je fais "remora" avec Pascale; au bout d'une demi-heure, on inverse les rôles. Posé sur un caisson arrière du canote, je maintiens grignou2 sur mes genoux, son grand frère sagement assis à ma gauche, pendant que les femmes et hommes grenouilles remontent un à une se désharnacher de leurs tuyauteries. Malou revient bientôt, souriante; tout s'est bien passé; baptème réussi! De retour au "club", après trois quarts d'heure de route dans la barcasse grondante aux mouvements bouchonnés, Pascale nous remet à chacun un beau diplome attestant que nous sommes sortis indemnes de l'expérience, ce qui est plutôt sympa. Alors, qu'est-ce qu'on dit? merci les petits mignons. Et comme la nuit est arrivée, on dit aussi :"à l'apéro"; surtout que, ça serait pas pour me répéter, mais ici, en Guadeloupe, le rhum, c'est pas de la pisse d'âne, donc c'est pas le moment de bouder.....

Dimanche 7 Novembre; la nuit dernière a été un peu brève, à mon goût. Hier, nos hôtes avaient organisé une petite fête entre amis, avec plein de bonne humeur consommée sans modération jusqu'à une heure un peu avancée de la nuit. Le menu d'aujourd'hui comprend une bonne balade en plein air, au coeur du jardin botanique de Deshaies, coquette bourgade un tantinet touristique, dans le nord-ouest de la basse terre. Coluche venait là se ressourcer dans sa villa avec vue sur l'île de Monteserrat et son volcan, et déambuler dans les allées ombragées de ce jardin aussi agréable qu'instructif; quelques attractions animalières viennent rompre l'apparente nonchalance de ce monde végétal. Ca commence par l'étang aux nénuphars; il abrite une colonie de carpes "koi" dont la voracité peut être testée en leur balançant sur la tronche des petites graines de nourriture qu'on achète exprès pour ça; les bestioles deviennent hystériques, se montant les unes sur les autres la bouche grande ouverte, comme vomies par quelque chalut après le trait. Un autre tableau peut être contemplé dans la grande volière grâce au même stratagème; en achetant un peu de nourriture, n'importe quel bipède peut se transformer en perchoir à lauriquets, et poser pour la photo avec 3 ou 4 de ces bestioles multicolores agrippées qui à son bras, qui a son chapeau, qui a n'importe quoi qui dépasse, c'est chacun son goût......plus loin, ce sont les aras, immobilisés au sol par la castration des plumes d'une aile, qui sont la cible des objectifs touristiques. Je me demande si, après l'ablation d'une partie de leur voilure tribord, ils pigent d'instinct qu'ils ne peuvent plus voler, ou si, au contraire, ils essaient quand même et ne font rien qu'à tourner en rond comme des jouets mécaniques désarticulés; on sait pas. Sinon, question arbres et plantes et toute cette sorte de choses, le jardin botanique de Deshaies c'est vachement super.

Mardi 9 Novembre; appuyés sur la rambarde, comme bien d'autres clampins, le long de la route côtière qui mène au Bas-du-fort, tout en surplombant la rade de Pointe-à-Pître, nous assistons en famille et en direct à l'arrivée victorieuse, dans la route du rhum, du Franck qu'amasse les victoires.....Son mérite est grand. Mais faudrait pas qu'il oublie qu'il est un petit veinard quand même, à cause qu'avec du vent, on peut avancer bien plus certainement qu'avec pas de vent. Prenez, par exemple, le cas du trimaran "domilechichon" concourrant dans la catégorie "régate virtuelle", avec apéro bien réel dans la salle à manger, et gros câlin dans la chambre à coucher ensuite, mais je m'égare.....Eh bien, voilà un canote qu'est resté encalminé à une vitesse de zéro noeud dans un vent de 1,1 noeud durant la moitié d'une journée; c'est pas épuisant pour les nerfs ça? Obligé de me relever 2 fois dans la nuit, tout ça pour constater que plus de huit mille régateurs sans vertu m'ont doublé pendant cette pétole, alors que dans le même temps, le Francky des familles se rapprochait du bocal de rhum de bienvenue à plus de dix noeuds grâce au vent qu'il a, lui, mais que moi j'ai pas! Alors, elle est où l'équité là-dedans? Non vraiment, je suis certain que les gens ne se rendent pas bien compte. Eteindre son ordinateur avant d'aller se coucher en laissant son canote en plein milieu de l'Atlantique scotché comme un gros étron flottant, c'est vraiment une épreuve psychologique très rude. Je dis pas que ça mérite une énorme coupe comme celle qu'il a reçu le Cammassou en arrivant, mais déjà, une petite coupette de consolation, ça serait un petit plus appréciable. En attendant, je pointe misérablement en 16000ième position, et ça, ça fait pas rigoler.....

Dimanche 14 Novembre; voilà, tout est en place pour le tournage de la page "vacances en Guadeloupe". Mon "domilechichon" a terminé hier sa route du rhum en 13000ième position après un échouage sur la "tête à l'anglais", et un autre sur les Saintes.....heureusement, les rase-cailloux virtuels n'esquintent en rien le canote. Le dernier dîner familial était une grande réussite avec ses tournedos "Rossini" arrosés d'un "Nuits St Georges" premier cru. Les valises sont bouclées, et les minutes qui nous séparent de l'embarquement de retour sont comptées.