Jeudi 13 Mai: depuis quelques jours, mes entrailles sont en lutte sociale; je ne sais ce qui a causé leur grogne, mais elles me font des misères, et c'est désagréable ( évidemment, avoir le trou de balle qui se prend pour une fontaine, ça peut pas être très plaisant....). Nous avons quitté ce matin le merveilleux mouillage de la baie Hanamoënoë, sur l'île de Tahuata; il n'y avait là aucun français. Par contre, la rencontre d'Helen et Steve nous a fait connaitre des propriétaires de Lagoon 420 hybride heureux. Nous avons également eu la joie de partager avec 3 américains le poisson qu'ils avaient péché le matin même; ces gens voyagent avec un trawler de 55 pieds qui leur a permis de venir des Galapagos ici en 16 jours ( en consommant tout de même 8,5 tonnes de gas-oil.....mais leur canote déplace 60 tonnes!)

Les Marquises, ce serait un peu des Alpes, posé sur des Açores au milieu du Pacifique.....des sommets escarpés, couverts de végétation, avec pour socle de la pierre de lave noire et trouée comme un gruyère. Ballade en dinghy jusqu'au village de Vaitahu; grimpette à pied jusqu'à un sanctuaire surplombant la baie: le point de vue est magnifique. Ce sera notre seul contact avec des habitants de Tahuata, car la baie Hanamoënoë est inhabitée; par contre, elle est très prisée des navigateurs car bien abritée, avec fond de bonne tenue, plage de sable blancs et cocotiers......

En route vers Hua Pou, le vent nous abandonne au bout de 2 heures, et nous devons solliciter la mécanique.....c'est un peu tarte, car l'alizé était plutôt jovial ces jours derniers, nous fournissant même assez d'énergie pour dessaler notre eau sans le secours du groupe éléctrogène.....mais aujourd'hui, il fait comme mes boyaux, il boude; ça lui passera.

A l'extrême sud-est de l'île de Ua Pou, est un caillou désolé, aride; c'est Motu Oa, paraissant posé sur l'eau comme une sentinelle dérisoire. Un peu à l'ouest, Motu Takahe se dresse vers le ciel, gigantesque canine adossée à sa gencive rouillée de roche ferrugineuse; c'est magique de majesté! un troupeau de dauphins nous accueille et nous accompagne pour nous souhaiter la bienvenue. Quelque minutes plus tard, l'ancre descend au fond de la baie de Hakanaii; nous sommes seuls devant la coquette église du village; c'est le moment de la belle lumière.....

vendredi 14 Mai: nous ne descendons pas au village, malgré que ça nous tente beaucoup, car il n'y a pas de débarcadère, et le ressac rend l'accostage difficile avec notre dinghy de 200 kilos; en fait, le seul moyen, celui qui est utilisé par les locaux, c'est de se jeter à l'eau et d'y aller à la nage. L'endroit est de toute beauté, et nous y serions bien restés plusieurs jours, mais ça nous frustre de ne pas pouvoir aller discuter avec les gens. Par contre, pour la plongée, on a fait équipe Malou et moi: elle repère les porcelaines depuis la surface grâce à son regard persiflant.....( elle a des yeux de larynx, c'est pour ça.....), et moi, je descend en apné les chercher; 2 belles pièces ramenées aujourd'hui.

Au chapitre entretien/maintenance, le circuit d'eau chaude de la coque babord vient d'éclater, comme l'a fait celui de tribord il y a quelques mois; je crois avoir trouvé la cause: les sécurités de surpression des chauffe-eaux sont calibrées à 10 bars, alors que les tuyaux de notre installation ont une pression de travail de 7 bars; ainsi, ça a fonctionné jusqu'à maintenant car les tuyaux étaient neufs, mais avec le vieillissement, ça éclate de tous cotés comme un feu d'artifice liquide; ça va m'occuper un moment ce truc.....

Samedi 15 Mai: fin du séjour devant Hakamaii; l'ancre est relevée, direction Hakatehau, une poignée de milles plus au nord; le mouillage est plus agité, mais un petit quai en béton permet d'accoster et d'amarrer le dinghy....lequel est immédiatement pris d'assaut par une dizaine de mômes qui l'utilisent comme plongeoir....et comme pédiluve aussi, en jouant avec le nable....

Nous débarquons au moment de la répétition du groupe de danses folkloriques, sous le préau, en vue du festival prévu à Tahiti dans un mois. Quelques femmes ont préparé à manger dans de grands chaudrons, et chacun achète sa barquette pour le repas de midi; nous aussi: fruit de l'arbe à pain, viande de chèvre; un régal!

Quelques pirogues en bois, taillées dans des troncs d'arbres, sont plastifiées; je n'avais pas encore vu ça aux Marquises; ça vaut pourtant largement le coup, prolongeant de beaucoup la durée de vie des bateaux en bois.

Cette île de Ua Pou est très particulière, avec ses énormes aiguilles d'origines volcaniques, nées d'un phénomène géologique inhabituel, ( très bien expliqué sur les panneaux dans le village, mais j'ai pas retenu, scusez moi ), dressées au ciel jusqu'à plus de mille mètres de haut; les sommets émergent rarement du chapeau de nuages qui s'y forme tout le temps.

Dimanche 16 Juin: visite du petit musée; jolis objets sculptés, en pierre principalement: des pilons, des casse-têtes, des tikis, et, la spécialité locale, la pierre fleurie; certaines roches provenant des grandes aiguilles renferment des minéraux incrustés de manière telle qu'on dirait des petites fleurs. Promenade au site archéologique, puis marche à pied jusqu'à la cascade; Malou se baigne; pas moi: trop froide; mais j'en profite pour me transformer en casse-croûte à moustiques.....A 5 heures, diner chez Yvonne et Etienne, en compagnie de nos potes anglais et d'un couple de sud-africains; soirée sympa. Etienne nous fait la danse du cochon.....il a dû s'entrainer beaucoup, car il le fait super bien. Fin de soirée, retour à bord: il est huit heures moins dix!

Lundi 17 Mai: ce mouillage est vraiment trop agité, nous partons pour Nuku Hiva; le vent est faible, un peu dans le pif, mais tant pis; ce n'est pas très loin, on y va. Malgré la brisette de fond de culotte, nous sommes vers 16 heures en baie d'Anaho, au nord-est de l'île; endroit majestueux et tranquille où la houle du large ne pénètre pas.

Mercredi 19 Mai: marche à pied dans la montagne sur un sentier rocailleux, vers le village voisin; le franchissement d'un genre de petit col nous donne accès à la vallée qui abrite le village d'Atiheu. Rencontré une jeune femme qui fait le trajet à cheval; il n'y a pas de voie carrossable; vue imprenable au col. Malou fait des photos et ramasse des graines rouges; pétroglyphes sur le bord du chemin. L'après-midi est consacrée à tenter, sans succès, de dépanner le congélateur de Lèo, le restaurateur/hotelier de la baie; il a une belle installation solaire, mais quelques disfonctionnements lui gâchent le plaisir....

à bord de Catafjord, c'est soirée ciné, avec Nathalie Baye.

Jeudi 20 Mai: journée cueillette; le matin, c'est dans les bois, pour ramasser des graines rouges; nous en trouvons aussi des grises, grosses comme des pois chiches, et des noires; l'excursion nous occasionne la rencontre de Maria et Pautu ( ça se dit pa-ou-tou) qui vivent ici, tirant leurs revenus de l'exploitation d'une petite colonie de vacances, et de la récolte du coprah. Voilà comment ça se passe pour le coprah: on se rend à pied à la cocoteraie, plus haut, dans la montagne; on débroussaille pour pouvoir se déplacer, et regrouper en tas les noix tombées au sol; il faut ensuite les fendre à la hache une à une; puis, avec un couteau spécial, recourbé au bout et affuté des 2 cotés, on extrait la pulpe (le blanc) qui est mise dans des grands sacs de jute pesant environ 50 kilos chacun. Les sacs sont amenés au séchoir à dos de cheval, et le coprah est étalé à sécher pendant plusieurs jours; une fois un peu racorni, il est remis en sac pout être enlevé par le bateau qui passe environ toutes les 2 semaines, et va livrer cette marchandise à l'usine de Tahiti; c'est bien physique comme boulot! Pratiqué par les femmes comme par les hommes, ça ne rapporte pas des fortunes, mais, plus on récolte, plus on gagne; et, ici, il n'y a pas d'impôt. L'après-midi, les conseils de Maria sont mis à profit pour capturer plein de jolies porcelaines dans 20 centimètres d'eau; pour vous donner une idée, je vous dirais que la capture de porcelaines est à la chasse ce que la pétanque est à l'athlétisme.

Dimanche 23 Mai; navigation lascive dans moins de 10 noeuds de vent pour nous rendre à Taiohaë, capitale des Marquises, en vue d'y prendre nos messages par internet.