Nous venons d'être victimes d'un vilain racket que j'aimerais contribuer à désamorcer en l'explicitant ici.

Arrivant aux Marquises par l'Est , il est clairement réglementaire de faire les formalités d'entrée à Hiva Oa (ou à Nuku Hiva, plus au nord). Pourtant, il est bien tentant d'arriver par Fatu Hiva qui est à la fois la plus méridionale des îles et la plus proche des Galapagos. De nombreux navigateurs se le permettent, se mettant ainsi hors la loi; mais bon, l'essentiel c'est de ne pas se faire prendre pour éviter l'amende qui attend les contrevenants lorsqu'ils se décident enfin à régulariser. Il n'y a pas de banque à Hanavave, l'escale favorite de Fatu Hiva; il est donc impossible de se procurer de la monnaie locale, les francs Pacifiques, si l'on n'est pas passé par Hiva Oa au préalable.

Mouillés depuis une semaine à Hanavave, nous savourons la douceur de vivre marquisienne; il est 13 heures; Nadia et Pascaline, nos copines marquisiennes, seront là dans 2 heures; nous les avons invitées pour le thé afin de leur faire visiter le Catafjord.

Un gros bateau gris, admirablement camouflé en vedette des douanes, vient mouiller à quelques encâblures du Catafjord. Un groupe d'individus tous habillés pareil met à l'eau un semi-rigide puissamment motorisé, et quatre bipèdes déguisés à s'y méprendre en douaniers embarquent à bord afin de démarrer promptement leur vilaine activité. Le gros bourrier gris arbore sur ses flancs les lettres DF, qui signifient traditionnellement "douane française". Nous, citoyens français, ayant fait notre entrée en règle, les regardons virevolter dans le mouillage et s'interesser aux autres bateaux avec la sérénité de ceux qui sont dans le droit chemin, et à qui il ne peut rien arriver de désagréable. C 'est une erreur.....notre tour arrive rapidement....."montez donc messieurs, je vous en prie".....poignées de mains cordiales......"que vous avez un beau bateau;.....au fait, montrez moi donc les documents de ce beau bateau"....." avec plaisir Mr le douanier", que j'y fait, étant tombé dans le panneau tellement y faisaient vraiment vrais douaniers; et de lui exhiber tous les papelards habituels. Les 2 comiques les épluchent et y piochent avec peine, comme s'ils savaient à peine lire, les renseignements nécessaires à l'établissement de leur PV de visite. Tout semble clair.....la bonne humeur règne. "avez-vous une grosse somme d'argent à bord?"; ce n'est pas le cas; juste quelques francs pacifiques retirés au distributeur d'Hiva Oa pour acheter du pain et des fruits. "combien possédez-vous de bouteilles de vin ou d'alcool?"; pensant bien qu'il demanderai à les voir, et ne connaissant pas le nombre exact, je lui dit au pif "une vingtaine de litres de vin en briques carton". Le gugus écrit immédiatement "20" dans la case correspondante, et ajoute: "on peut les voir?". On pouvait les voir! et donc je le mène directement au coffre dans lequel est rangée la réserve de picrate chilien acheté à Panama en prévision de notre impossibilité d'acquérir ici ce délicat breuvage, taxé à 300% en Polynésie (environ 12 euros un litre de tord-boyau ). Le guignol entreprend de les compter, sort son boulier ( non, je rigole..... jaune....) et là, 2 surprises; une bonne et une mauvaise. La bonne c'est qu'il en reste plus que je ne le pensais, et la mauvaise c'est que le bandit lâche laconiquement: "vous avez fait une fausse déclaration; je vous colle une amende: 10000 francs pacifiques", soit exactement la somme que Malou lui avait avoué détenir quelques minutes avant. A notre proposition de régler par chèque ou par virement bancaire, le malfrat hausse le ton et déclare que c'est payable immédiatement et en espèces; sinon, ce sera procès verbal d'infraction transmis au préfet, et saisie immédiate de tout l'alcool..... tout l'après-midi se passe en palabres, discussions , invectives, fâcheries, menaces, et toute cette sorte de joyeusetés.....hélas, nous avons fini par lâcher à ces voleurs notre joli billet polynésien avec ses belles couleurs, et ses 10000 merdiers écrits en haut à droite. Là où ça nous a amplifié les boules, c'est d'apprendre que tous les contrevenants, arrivant direct des Galapagos, n'ont, eux, pas versé un seul centime aux faux gabelous pour la simple raison qu'ils n'en avaient pas, n'ayant pas fait le crochet par Hiva Oa avant de venir ici. ça nous apprendra à être naïfs et à faire bêtement où on nous dit de faire!; heureusement que nous nous avions affaire à des bandits notoires, rompus à toutes les malhonnetetés, et absolument sans scrupule, capables d'employer les plus viles méthodes pour arnaquer mesquin, car, s'il s'était agit de vrais douaniers assermentés, payés avec l'argent de nos impôts, et censés être là pour représenter quelques nobles valeurs et préserver les interêts des citoyens, j'en serais effondré! un coup à cesser de croire au ministre des finances et à celui de l'intérieur. Et puis, j'ai un indice pour savoir qu'il ne s'agit pas de vrais douaniers: j'en connais des vrais douaniers: honnêtes, travailleurs, intègres, et assumant avec courage un métier certainement bien ingrat. Rien à voir avec les pantins aux dix mille balles;

Ceci dit, la vilénie venant d'individus certainement défavorisés, sans instruction, QI d'huître, enfance malheureuse, manque d'affection et toute cette sorte de choses, on peut comprendre qu'ils aient mal tourné......et puis, la parade est simple en définitive: suffit de ne pas détenir de francs pacifiques.