mercredi 25 novembre: fin de l'escale Cartagénoise. Nous avons fait hier nos adieux à Stéphanie, la copine St Pierraise qui navigue seule avec sa fille de 2 ans à bord de son "Casse-tête", nom qu'elle a donné à son canote en mémoire de son aïeul, grand briseur de mâts de perroquets à trop forcer la toile. Hier, il a fallu plonger dans les eaux glauques de la baie pour nettoyer les hélices, totalement envahies par les concrétions. Et, ce matin, sitôt le soleil apparu derrière les portes-containers, l'ancre est remontée, la chaine a été nettoyée de sa vase grâce à la pompe de lavage installée par bibi ces derniers jours....toujours plus confortable, toujours plus efficace le Catafjord : "une marveille"! depuis le fantôme de bateau acheté à l'autr malhonnête canadien, quel changement.....En route, au moteur, direction les îles Rosario, loin de l'agitation et de la poussière de la ville. Nous empruntons la passe du sud, Boca chica, qui présente l'interêt d'être défendue par 2 forts du XVIIIième siècle du meilleur effet sur les photos. C'est bien entendu à l'endroit le plus étroit du chenal que nous croisons un énorme paquebot croisièriste à moins de trente mètres sous les vivas de quelques marins en pause dans les coursives extérieures.....impressionnante la muraille! Ca y est, nous sommes en mer. Le vent est faible en plus d'être dans le pif, donc, route moteur, lignes de pêche allo. La routine de mer n'a pas encore eu le temps de s'installer, que la ligne tribord, celle de Malou, a déjà "donné". J'enfile mes vieux gants de manutention en cuir et commence à hâler sur la ligne ( mais sans râler par contre....); ça résiste fort, mais ça remonte tout de même, et qui c'est qui nous fait une petite visite de courtoisie: un requin d'un mètre dix, que c'est la première fois que je remonte un requin ( ou est-ce une requine? je ne rends pas bien compte....). Il fait plus de dix kilos le bestiau; on va en bouffer un moment! et puis, les frigos sont pleins.....va falloir partager avec les copains au prochain mouillage; nous y voici justement; nous apercevons "Moana", à nos amis canadien Guy et France, qui sont tranquillement ancrés derrière la barrière de corail, et nous n'avons pas de carte de détail pour y rentrer. Un petit appel VHF, et Guy arrive en dinghy pour faire le pilote. Génial! à midi trente, nous sommes entre "pays" devant une petite bière pour célébrer ça: les 4 bateaux présents sont tous pavillon québécois. L'eau est claire et le mouillage bien calme; on va pouvoir reprendre une vie normale.

samedi 28 novembre: après 3 jours passés aux "Islas del rosario", entre nettoyage complet des coques en plongée, ballades en annexe, faire un peu connaissance avec Jean-françois et son fils Adrien qui naviguent sur un vieil Evasion 34, nous quittons ces agréables cailloux pour autre petit archipel situé 20 milles plus au sud, "Islas Bernardo". Plus éloignées de Cartagène, elles sont plus sauvages et moins fréquentées par des touristes, mais, par contre, leurs mouillages sont moins abritées. Qu'importe, le vent est faible et la mer calme. Demain, nous irons plonger sur quelque haut-fond proche. Un truc invraisemblable ici, l'eau est si limpide qu'on voit le fond au clair de lune!

dimanche 29: une pirogue s'approche, mue par sa petite voile aurique noire en bâche plastique agricole. Environ 3m50 de long par 0m50 de large, c'est un simple tronc d'arbre évidé, et les espars des branches presque droites. La voile, constéllée de trous , a déjà été maintes fois rapiècée par des patchs de plastiques soigneusement cousus au fil à voile. L'écoute est un pauvre fil de pêche réglé une fois pour toutes pour les allures très arrivées. Deux jeunes et robustes pêcheurs l'amènent à couple du cata pour nous vendre le produit de leut pêche au fusil-harpon: à l'arrière, séparés du reste par une petite varangue en bois, une dizaine de poulpes clapotent en une masse visqueuse; un petit tas de lambris occupe un espace similaire à l'étrave, et, au centre, le morceau de bravoure du jour, un superbe pagre de 3 ou 4 kilos. Nous ne sommes pas preneurs; Malou accomode son requin de toutes les manières possibles depuis 3 jours, et il en reste encore plein le frigo. Quelques palabres plus tard, nous braves péchous repartent vendre leurs prises au village voisins, chez eux. Curieux endroit: l'île est très petite; nommée "islote", ronde, d'environ 100 mètres de diamètre, elle est entièrement recouverte d'habitations agglutinées les unes aux autres sans coquetterie; quelques jolis toits de palme en atténuent cependant le coté sordide. Mille deux cent personnes y vivent, chacun ne disposant que de quelques mètres carrés.

Les Iles KUNA YALA ( que d'aucuns appellent San Blas, mais pas les Kunas )

Un peu d'histoire: lorsque Christophe Colomb découvrit ces nouveaux cailloux, ça faisait déjà un moment qu'il grenouillait dans le quartier, et il commençait un peu à en avoir ras le burnou de tous ces choux, bijoux, genoux, hiboux pleins de poux et toute cette sorte de choses; d'autant qu'y rajeunissait pas le pépère. Ayant déjà usé tous les noms de saints à sa disposition, cette fois-là, y séchait! Lui vint alors l'idée de chercher l'inspiration dans son calendrier des ptt. Las, il venait juste de leur tomber sur la calbombe un grain diluvien; avec ça, le pont mal calfaté, le sikaflex pas encore inventé, le foutu calendar était devenu illisible. Ca a mis le Cri-Cri dans une rage folle; illico, il convoqua tous ses bras droits et leur tint à peu près ce langage:"bande de guétautrou, vous me gonflez tous! et pis l'aut merdasse de calendar qu'est niqué maintenant; pisse que c'est comme ça, ces saloperies d'îles, elles resteront sans blaze, et pis c'est tout!". Pendant ce temps-là, l'autre scribouillard ibérique qui notait tout pour cafter à la patronne l'a écrit style façon espingouin: " San Blas"..... et voilà l'histoire.....incroyable non?

Bref, nous voici en territoire "Kuna Yala, région autonome de la république de Panama constituée de plusieurs centaines d'îles et îlots, et peuplées par les indiens Kuna, authentiques descendants des Caraïbes qui vivaient par ici avant que nos ancêtres ne les transforme en chair à pâté pour s'installer à leurs places, mais ceci est une autre histoire. Concernant les Kunas, une petite mise en garde s'impose: il est important de conserver à l'esprit une petite particularité linguistique un peu étrange, et, surtout, de se méfier des faux-amis: la femme du kuna, n'est pas une "kunasse"; le mot n'éxiste même pas, c'est vous dire. Ainsi donc, c'est après une nuit en mer au clair de lune, emmenés par une légère brise portante, que nous atteignons l'île de Pinos, une des plus orientales de l'archipel. Conformément à la coutume, nous nous rendons au village pour présenter nos civilités au "sayla", et solliciter l'autorisation de séjourner quelques jours et de visiter le village. Il nous reçoit au palais présidentiel: sa hutte. Tout en se balançant nonchalamment à califourchon sur son hamac, il dit qu'il est d'accord sur tout, mais faut pas oublier de payer les 8 dollars de taxe de séjour.....on va pas chipoter; c'est peu pour être reçus si aimablement dans cet endroit paradisiaque. Ici, peu ou pas de modernisme et beaucoup d'authenticité; chaque famille possède sa hutte comportant une armature en bois, une toiture en bambou couverte de palmes, l'ensemble noué par des fibres végétales et un peu de ficelle. Un feu couve doucement en permanence pour faire cuire le riz et le poisson; pas de mobilier; on mange par terre, une feuille de bananier en guise de nappe, assis sur un massif banc de bois; ainsi, on ne risque pas de se prendre les pieds dans la carpette ou de mettre le feux aux rideaux, et ça, c'est un plus. Une étrave de vieux canoë calée en biais sur une souche dans la cour sert de lavoir ( c'est donc utile de l'avoir sinon comment laver si on ne l'a pas?). Un autre truc qui m'a bien épaté, (et pas seulement de campagne) , c'est leurs broyeurs à canne à sucre: ils font un trou à la machette dans un tronc de cocotier, dans lequel ils emmanchent une barre de bois constituant ainsi un levier de plusieurs mètres (voir photo), sous lequel on a disposé un billot ( pour faire une boisson bio.....); le cocotier concerné, toujours "alimenté" par les fibres latérales continue à produire ses noix, principale ressource de Kunas, cependant que le broyeur pas cher permet d'extraire le jus de la canne qui, après fermentation, devient la "chicha" avec laquelle on se beurre la ruche consciencieusement, mais seulement quand c'est la fête ( faut juste trouver des prétextes pour faire la fête.....pas insurmontable comme difficulté )

vendredi 4 décembre: Horatio, le "sayla viejo", vient nous rendre visite à bord avec sa petite pirogue pour nous saluer avant notre départ ( et aussi pour faire son curieux bien sûr ). Il avait demandé la permission hier soir, lorsque nous nous sommes quittés, après la "livraison" des différentes photocopies et autres photos d'identité ou d'agréement que nous avaient sollicités plusieurs villageois. Malou a passé une bonne partie de sa journée d'hier à photographier, scanner, imprimer, pour rendre service aux braves gens de Tupbak. Horatio, malgré son grand âge, s'éloigne en pagayant avec une régularité de métronome, pour rejoindre ses ouailles, un bon kilomètre au vent. Nous avions projeté de nous rendre ensuite sur l'île Utupu, mais il s'y est produit récemment un très grave évènement sur fond de trafic de drogue ( 2 personnes ont été tuées par balle, ce qui est rarissime en territoire Kuna), et nous éviterons donc de trainer par là. Nous poussons donc jusqu'à Mamitupu; attention encore à la prononciation, les "u" se prononcent "ou" ( ou sinon n'en parlez pas à la belle-mère). Début d'après-midi: Malou n'a pas eu le temps de débiter complètement le beau thazard d'1m10 qui a eu le bon goût de venir nous rejoindre pour assurer une semaine de bouffe, que voici déjà devant nos étraves les massifs de coraux entre lesquels il faut zig-zaguer avant de descendre la pioche. On me dit que le village de Mamitupu serait jumelé avec un autre village de Mongolie erzegovinasse du nom de Papytuchmout', ce qui signifierait en mongolien antique "à la douche pépé".....j'ai un peu de mal à y croire à ce truc-là.....à vérifier

Mamitupu est une île-village; 1300 personnes y vivent en quasi-autarcie. Les revenus sont tirés de la vente des noix de cocos cueillies dans la forêt sur le continent voisin. Chaque matin, les hommes partent en pirogue pour collecter également bananes, citrons, oranges, et du bois pour le feu. Quelques chasseurs partent dans la montagne en quête de gibier. Le deuxième produit d'exportation significatif est le "mola", fabriqué par les femmes. Plusieurs pièces d'étoffe de couleurs différentes sont cousues entre elles et ajourées pour créer des motifs sophistiqués et très colorés. Cette technique particulière, propre aux Kunas, requiert habileté et patience, et fait des plus beaux molas de véritables oeuvres d'art; il faut environ 200 heures pour faire une pièce de 0m50 X 0m50.....Nous sommes mouillés ici depuis une demi-heure à peine quand arrive le "collecteur d'împots" dans sa pirogue. Il nous réclame 5 dollars pour séjourner, exhibant une feuille de papier sous plastique avec le règlement de l'île en espagnol et en anglais. Ce réglement précise que le visiteur ne doit pas acheter de molas aux vendeurs à la sauvette sur leurs pirogues, mais venir au village pour ça.....cependant que, lui, nous en propose . Comme je le lui fait remarquer, il me fait cette réponse magnifique: "le règlement ne s'applique pas pour moi!" .....cool le mec. Au village, l'habitat est organisé par familles; un enclos délimité par une cloture en bambou enserre une petite cour et 2 huttes: une pour la bouffe où un feu couve en permanence, et une autre pour roupiller, plus cosy, avec des hamacs accrochés à la charpente. Sur la plage, 100 mètres devant le cata, un charpentier travaille à l'ombre des cocotiers. A pertir d'un tronc d'arbre rapporté de la forêt, il "sculpte"une pirogue à l'aide de sa seule herminette. Après quelques jours de boulot, il a donné naissance à un super canoë, prêt à recevoir sa "peinture de protection". Ce n'est pas réellement de la peinture, mais du brai de houille qui est utilisé pour préserver le bois, une variété de pin peu dense et facile à travailler, mais pas très résistante au pourissement. Comment que j'te ferais une petite strat époxy là-dessus pour que ça dure 50 ans.....sauf que les ingrédients nécessaires coûterainent plusieurs fois le prix d'une telle pirogue......en plus, si c'est pour coller le charpentier au chomdu au bout de trois ou quatre ans parce qu'il n'y a plus de pirogue à faire......

Ce soir, c'est la fête à Mamitupu. Celle-ci durera 3 jours, et nous sommes conviés à y participer, et à goûter la très attendue "chicha fuerte"; c'est un vin obtenu par fermentation du jus de canne à sucre, additionné de grains de café et de cacao. L'évènement débute vers 19 heures; quelques dégourdis se sont un peu "chauffés" à la bière avant, et tout à coup, on parle mieux espagnol qu'eux.....il n'y a pas d'éléctricité à Mamitupu; c'est donc à la lueur de lampes de poche à leds que nous nous rendons au village par le sentier habituel, déjà emprunté plusieurs fois ces derniers jours. Arrivés sur la placette, une grande partie des villageois sont déjà là; quelques uns pratiquent les danses rituelles, frappant le sol de leurs pieds, en cadence, en poussant des cris aigus. La "procession" s'introduit dans une grande case, la salle des fêtes en somme, faiblement éclairée par 2 lampes à pétrole. Nous n'osons pas rentrer, jusqu'à ce que David, avec qui nous avons déjà fait connaissance, nous y convie. On nous place en faisant asseoir sur de petits bancs de bois, juste devant le coeur de l'action: un groupe d'une dizaine de "sages" remplit des demi-calebasses d'un demi-litre de chicha puisée directement dans le seau, et se met en ligne à droite; à gauche , un groupe d'assoiffés en nombre équivalent s'aligne également. Les 2 groupes se rejoignent au milieu en sautillant et vociférant, et les calebasses changent de main, comme offertes par les ainés aux plus jeunes. Après quelques pas de danse et cris incantatoires, chacun descend son bocal de chicha "cul-sec"; gare à celui qui n'arrive pas à finir, il est directement exclu sous les quolibets de l'assistance. Au bout d'un petit moment, nous sommes nous aussi conviés à nous mettre dans la file de gauche pour goûter; c'est là qu'on est content d'avoir son petit entrainement au lever de coude......d'autant que le tarif syndical, c'est d'y revenir 4 fois dans la soirée! Le sayla, qui orchestre la fête, parfaitement secondé par sa garde rapprochée, s'enquiert de notre santé. Il est manifestement heureux de nous faire partager leur communion, et très satisfait que nous y prenions plaisir. Les kunas sont très fiers de leur culture et apprécient que nous la respections. Ces gens n'ont aucune méchanceté ni agressivité, et ne sont pa du tout voleurs; par contre, la visite de quelques " touristes" à commencé à leur apprendre à quémander, mais tous ne le font pas, et ils ne sont pas insistants ni amers en cas de refus. Nous avons une chance inouïe de nous trouver ici maintenant: c'est seulement la deuxième fois que des étrangers participent à la fête de Mamitupu.

Après le tourbillon de Mamitupu, une petite navigation d'une quinzaine de milles, parcourus au moteur, à slalomer entre massifs de corail, nous mène à San Ignacio de Tupile. L'endroit est très différend, et déjà un peu moins authentique. Quelques batisses sont en béton; les rues du village, toujours en sable, sont cependant beaucoup plus larges; un groupe éléctrogène est mis à contribution tous les soirs, à partir de 18 heures, pour fournir l'éclairage, et recharger lesbatteries des téléphones portables.....Une petite expédition en annexe sur la rivière distante de 3 km nous permet de passer un agréable moment en forêt, et de faire de jolies photos d'oiseaux, mais hélas pas d'observer caïmans et crocodiles comme nous l'avions éspéré; pour ça, il faudrait venir de nuit......et, nous, la nuit, on dort, ou on fait des trucs dans ce genre là, mais on taquine rarement le croco.

Samedi 12 décembre: Eole nous gratifie d'une quinzaine de noeuds de vent pour nous rendre à bonne allure jusqu'à Nargana, où nous retrouvons avec grand plaisir Josselin et Stéphanie, accompagnés de leurs deux terreurs en bas âge. Nous accueillons avec moins de gaité les signes de modernité qui ont atteint les habitants de ce village: moins de toitures en palmes et plus de tôles ondulées, avec, en prime, un peu de béton, ainsi que l'élécricité, la télé, et moults téléphones portables. Heureusement, les Kunas restent toujours aussi attachants avec leur gentillesse et leur bonne humeur. Ici, comme dans la plupart des villages, on trouve un terrain de basket, voire même plusieurs, équipements très appréciés des jeunes, car ces gens sont de grands amateurs de ce sport malgré leurs petites tailles, et ils y excellent; les huttes de Saylas que nous avons pu voir, possèdent souvent des étagères remplies de coupes glanées lors de championnats locaux.

Une question me vient à l'esprit là maintenant tout de suite: les quatre langoustes que Malou vient de cuire et qui me regardent depuis leur plat avec ces yeux laiteux caractéristiques des crustacés court-bouillantés, ces bestioles achetées un dollar pièce au pêcheur dans sa pirogue, il y a à peine une heure, dois-je les couper en deux, où chacun se les décortiquera dans son assiette?....faut bien réfléchir

Lundi 14 décembre: nous avons quitté Nargana sans voir la queue d'un crocodile, alors qu'un pêchou nous avait dit qu'ils traversent souvent le mouillage pour venir sur les berges de leur île bouffer leurs clébars; dommage. Prochaine escale, "green island": eaux turquoises, mouillage sauvage, coraux poissonneux, et toute cette sorte de choses....

Mardi 15 décembre: nous profitons de la présence simultanée de plusieurs bateaux amis pour organiser un barbeuc sur la plage de l'île déserte qui nous abrite; vers 1à heures du mat, nous partons à 5 poilus dans le nioumatic, armés jusqu'aux dents de fusils-harpons, poignards, masques, palmes, tubas, et tout le bazar nécessaire pour une partie de chasse sous-marine; je sais pas si un traitre a averti les pouascaille de notre arrivée ou quoi, mais, après 3 heures de barbotage, le butin est du genre maigrichon: 5 ou 6 petits poissons et quelques crabes.....juste avant de rejoindre le dinghy, mon copain Josselin me tapote sur l'épaule et me fait signe de regarder derrière moi: un requin de taille respectable s'éloigne tranquillement; il me tournait azutour depuis quelques instants, et je ne l'avais pas vu. De dépit, en partant, il bouffe un de nos poissons suspendu à la bouée à 10 mètres de nous! Aucun savoir-vivre ces bestioles. Pendant que nous pourfendions l'onde en quête de notre pitance, au péril de nos éxistences parfois, nos valeureuses compagnes ont préparé des salades, et sorti des frigos quelques proies capturées ces derniers jours au cours de chasses plus fructueuses, sauvant ainsi l'opération barbeuc pour en faire un beau moment: assis sur des troncs d'arbres, à l'ombre des cocotiers, les pieds dans l'eau à 30 degrés, nous nous delectons; nous sommes plus de quinze en comptant les mômes et chacun regagne son bord à la nuit tombée.

Vendredi 18 décembre: seuls au mouillage; les îles avoisinantes, Rio Sidra, et Maquina, sont des hauts-lieu de fabrication de beaux molas; la tranquille baie qui nous abrite est à environ un milles de là, entourée de mangrove et jouissant d'une quiétude absolue. Hier, nous avons fait la connaissance de Christophe, capitaine du cata Téou, qui est dans on deuxième tour du monde, et dont les conseils nous sont très précieux. Naviguant à bord du superbe "looping16" qu'il a construit au Portugal, il remonte la caisse du bord en faisant un peu de carter aux "kuna yala". Ensuite, il repassera Panama pour un long périple dans le Pacifique nord, direction Hawaï, puis l'Alaska; il éspère croiser la route de Philou, notre copain commun, pour qui nous avons posé ce matin devant l'objectif de Malou; Christophe lui enverra la photo par mail dès qu'il aura internet. Nous nous sommes donnés rendez-vous en nouvelle-calédonie......plus tard.....Il est 18 heures; avec le jour déclinant, la montagne derrière nous se coiffe de coton pour la nuit, et c'est beau! bon, allez, apéro.

Mardi 22 Décembre: le "newmatic" est à l'honneur; dès 8h30, après avoir rempli le reservoir d'essence et remplacé les bougies, nous partons vers Porvenir, à 12 milles d'ici, accompagnés par le copain Jean-François, pour aller accomplir nos formalités d'entrée.....le dinghy poussé par les quinze cheveaux du Yamaha file à plus de 22nds, et notre destination est rapidement atteinte sans souci. L'accomplissemenet des formalités est un peu plus tendu que souhaité, mais ça passe. En réalité, nous aurions dû faire cette démarche sitôt entrés en territoire Kuna Yala; le capitaine du port nous fait ses remontrances gentiment, sans nous asséner l'amende de 500 dollars prévue pour ce cas de figure. Le retour est encore plus rapide, mais aussi plus humide avec le clapot qui s'est levé ; n'importe, le "Larès" nous accueillent avec une bonne bière fraiche et des assiettes de riz/mérou qui arrivent à point nommé pour calmer les appétits. A Porvenir, nous avons retrouvé la copine St Pierraise Stéphanie, ainsi que ses parents en villégiature, et nous nous sommes un peu attardés en évoquant notre bon vieux caillou de St Pierre. Ajoutez maintenant la visite en début d'aprèm des 2 îles avoisinantes, Rio Sidra et Isla Raton, ben ça nous fait la journée bien chargée. Nous avons fait le choix, depuis quelques jours, de privilégier les îles plus au sud qui sont également les plus habitées, pour rester un peu en contact avec les Kunas que nous appréçions vraiment beaucoup. Bon, évidemment, ici, point d'internet, donc pas d'e-mail depuis un mois......on ne peut pas tout avoir......De même, le Kuna Yala ne brille pas par l'éclat des enseignes de ses grandes surfaces, ou de ses établissements de luxe. On ne peut acheter ici que quelques poissons et crustacés (que nous chassons nous-même de notre coté avec des résultats mitigés); parfois, les "tiendas", petites épiceries locales, nous vendent des oeufs, des patates, des oignons, des bananes, de la bière, et pas grand'chose de plus; bref, on ne trouve que ce que les Kunas consomment eux-mêmes; le superflu n'occupe pas une place considérable dans les parages.

Mercredi 23 décembre 7h45: Lisa arrive sur sa grande pirogue accompagnée de son matelot, perché à l'étrave comme un "avant" de doris; le temps d'embarquer les équipages de Larès et d'Esquinade, le troupeau de 10 adultes et 3 morpions s met en route direction la rivière sacrée, but de notre expédition. Lisa a obtenu du "congresso" l'autorisation spéciale indispensable pour s'aventurer dans ces eaux, qui mènent aux cimetières. En dehors des obsèques, seuls les "chamans" peuvent se rendre dans la forêt avoisinnante pour y cueillir les plantes qui serviront de base à l'élaboration des médicaments et autres talismans grâce auxquelsles valeureux "médecine men" soignent les jambes cassées, aussi bien que les cancers du bras droit, le cyrrhoses du genou ou que sais-je d'autre du genre qui s'attrape comme qui rigole dans ces contrées ingrates....après la visite du cimetière familial de Lisa, une marche d'une heure et demie en pleine brousse, par des sentiers cahoteux et sauvages nous amène aux cascades.....et c'est beau! bon, on s'casse maintenant? non! on se baigne.... et les voilà tous à se jeter dans cette flotte frisquette (genre La Baule en juillet disons); moi, en dessous de 25 degrés, je préfère rester sec, reservant l'eau froide pour teinter légèrement mon pastis. Pour le retour, Lisa a prévu la descente de la rivière à pieds, ce qui est imconpatible avec le convoyage de mômes, et même prohibé pour ceux qui sont venus ici chaussés de "tongs"; au final, l'épisode "barbotage dans les galets" ne concernera que Malou, Adrien et moi. Tonique la ballade! au bout de trois minutes, le décor est planté: Lisa se "perche" sur un gros rocher à trois mètres au dessus de l'eau, derrière une cascade et dit "c'est là", en plongeant tout habillée dans la flotte toujours aussi fraiche forcémment.....un peu plus loin, le franchissement d'une autre cascade se fait façon toboggan, en se laissant simplement entrainer par le courant, le derrière glissant sur les gros rochers, pour se retrouver projeté 2 ou 3 mètres plus loin....je me trouve bien forcé de mettre mon aversion pour l'eau froide dans ma poche, et de m'immerger comme les autres avec casquette et lunettes; heureusement la température extérieure étant de 35°c , on ne claque pas des dents en sortant. Par contre, le décor est somptueux; ces cascades en plein coeur de la forêt tropicale, avec le soleil filtrant à peine à travers les branches des arbres, ça fait ambiance Indiana Jones du mercredi après-midi. De retour à bord du cata vers 13 heures, nous convions Lisa et son matelot à rester déjeuner avec nous, ce qui est l'occasion de nous instruire un peu sur la culture et le mode de fonctionnement de la société Kuna. Lisa est une personne très experte en fabrication de molas, et elle connait bien les significations et origines des différents rites de sa communauté. Sa particularité est d'avoir une identité féminine, portée par un corps masculin.

Feliz Navidad! nous passons le réveillon "en famille", c'est-à-dire, avec nos voisins de mouillage, les "Larès" et les "Esquinades", soit onze personnes dans le carré du Catafjord; au menu, langoustes péchées une heure plus tôt, rillettes de requin confectionnées par Malou, poulet rôti/purée avec des vraies patates écrasées à la main, et gâteau au chocolat fabrication Stéphanie, tout comme le délicieux punch coco d'apéritif. Une bonne bouteille de "Lalande de Pomerol", plus quelques gouttes de calva de chez Hubert, que demander de plus? c'est maintenant prouvé, le père Noël existe au Kuna Yala.

30 Décembre: derniers jours de la décennie et, en même temps, derniers milles parcourus en atlantique. Un vigoureux alizé de 25 à 30 noeuds nous entraine à bonne allure et dans le plus grand confort vers les jetées du port de Colon, porte du canal de Panama. Nos copains Adrien et son père Jean-françois arrivent derrière nous avec leur brave Evasion34 "Esquinade". La page "kuna" se tourne; fini les parties de volley-ball sur la plage avec des équipes mi yachties-mi kunas en habits traditionnels. Nous quittons également la famille disparate et volubile des arpenteurs de Caraïbes en tous sens, pour adhérer celle, plus restreinte, des qui passent de l'autre coté par Panama. J'ai profité du séjour au Kuna Yala pour confectionner un gréement pour le dinghy, copie conforme de ceux qui équipent les "cayucos" des kunas: espars en bambous et voiles en toile à bâche; les essais ayant été concluants, il ne me reste plus, à présent, qu'à peaufiner tout le bazar pour y adjoindre facilité d'utilisation et fiabilité.....ce sera l'objet d'un prochain "chantier" lors d'une escale future; à présent, toute notre attention est focalisée ( ou devrais-je dire génoisysée.....) sur le passage dans le Pacifique, premier vrai gros jalon du voyage.

Aujourd'hui 31 décembre, journée chargée; nous trouvons Tito, le king des "agents" non officiels, qui nous mène tambour battant dans la dangereuse ville de Colon pour y accomplir les multiples formalités préalables à l'obtention du sésame: prendre rendez-vous avec le "mesureur" qui fixe, au décamètre, le prix du passage, et le montant de la caution, passer à la banque retirer tout l'argent nécessaire en liquide ( deux mille dollars quand même!), louer 4 amarres de 40 mètres obligatoires et acheter 20 pneus de voiture usagés pour servir de défense dans les énormes écluses qui nous attendent ( c'est une expression bien sûr, car je suis presque persuadé qu'elles ne nous attendent pas du tout....peut-être même elles s'en foutent de nous.....c'est quasiment sûr même). Vient ensuite le moment de passer au cyber pour récuperer les e-mails d'un mois complet sans internet, et, enfin, les étroites allées du supermercado accueillent à rayons ouverts notre caddy vide que nous transformons prestement en un caddy surchargé.....il était temps; on voyait le fond des placards, et le frigo claquait des dents, totalement deshabillé des étagères, le tiroir à légumes aride comme le coeur d'un syndic de copropiété. Ainsi, la soirée de réveillon passée en compagnie des skin-head ( surnom que nous avons donné à l'équipage d'"Esquinade"), avec champagne chilien à 4 dollars, guacamol maison, viande fraiche et pousse-café de chez Hubert, le tout avec moults feux d'artifices tirés pendant plus d'une heure, restera imprimée dans nos mémoires au chapitre "feliz ano nuevo". Bonjour 2010!