Cette escale colombienne, déjà bien plaisante, nous offre un attrait supplémentaire avec les fêtes de l'indépendance. Du 1er au 16 novembre, Cartagène explose en une débauche d'allégresse, de musique et de folklore. Visiteurs et résidants se mélangent en un spectacle magistral pour célébrer le mouvement d'indépendance du 11 novembre 1811, lorsque le peuple colombien s'est libéré du joug espagnol. Depuis, chaque année, la ville commémore cette victoire de la liberté sur l'oppression au son des "bandas" aux rythmes carribéens, et des nombreux groupes folkloriques aux instruments ancestraux, comme ces longues flûtes droites de roseau, ou encore ces xylophones en alu aux allures de lyres ( un peu moins ancestraux sans doute ). Un des évènements majeurs des festivités est sans nul doute l'élection, au titre de Miss Colombie, de l'une des 25 superbes candidates qui occupent la semaine précédant le scrutin à animer moultes manifestations populaires, comme autant d'ambassadrices de charme au service de la valorisation des aspects culturels et historiques des fêtes qu'elles illuminent de leur beauté.

Avec ma pépette, nous nous rendons religieusement à la plupart des défilés; ces fêtes, très populaires , génèrent d'impressionnants mouvements de foule. Les braves gens se pressent en rangs sérrés derrière un cordon de police dont la bonhommie n'altère en rien l'efficacité; il faut jouer des coudes pour conserver sa petite place le long du trajet du défilé. Assez rapidement, un petit groupe de femmes nous prend sous son aile par pure gentillesse, pour nous éviter de tomber dans les pièges nombreux lors de ces rassemblements. Parmi les désagréments qui gettent l'imprudent, un grand classique est de se faire détrousser par les pickpockets: appareil photo arraché des mains ou visite des poches. Ainsi, Malou s'est trouvée plusieurs fois "sauvée" par ses voisines qui sont même allées jusqu'à s'interposer pour mettre en déroute des voleurs. Quand les policiers en attrapent un, ils le conduisent au commissariat sous bonne garde par le circuit du défilé, et le type est sifflé et hué par la foule; appartenir pour quelques heures à cette microcommunauté demande de se plier aux rites et coutumes, et, il est donc inévitable de se retrouver rapidement maculé (vous pouvez vérifier, c'est pas un gros mot...., mais faut faire gaffe quand même) de farine et de peinture, et montrés du doigt avec des hurlements de rire; ça se termine en photo de groupe, maculeurs et maculés réunis (ne pas confondre non plus avec "émasculé".....ça n'a rien à voir, et c'est sensiblement moins festif....encore que ça dépend de quel coté du coupe-coupe on est, mais même....). Les défilés sont constitués de groupes de danseurs et danseuses costumés et entrainés par leurs musiciens: caisse claire, grosse caisse, tuba, trompette, clarinette. On rencontre aussi des originaux déguisés en toutes sortes de trucs plus ou moins marrants, et, bien sür, le plus important, qui donne lieu à une forte montée de décibels, les chars équipés par 2 ou 3 des 25 ravissantes court-vétues. Il y a beaucoup de jolies femmes en Colombie, et celles-ci sont, évidemment , triées parmi les plus charmantes......j'vous l'dit, ça donne pas envie d'entrer dans les ordres.....Encouragées par l'enthousiasme des supporters, et entrainées par les rythmes musicaux, elles ondulent, trémoussent en cadence leur petit matériel, et envoient quantités de sourires et gestes d'affection à tous les vents. Le défilé du mercredi se termine un peu tard, et il fait nuit lorsque le dernier groupe laisse place aux équipes de nettoyage. Nos "copines", et même la police, nous mettent immédiatement en garde: quittez les lieux illico en direction d'un quartier plus "touristique", et, surtout, plus éclairé, car, ici, c'est l'agression asurée avant un quart d'heure....nous ne nous sentons pas en insécurité, mais, eux connaissent leur ville, alors,on bouge.

Le défilé du vendredi soir est d'un genre différent: "desfile de la diversitad sexual"; l'an passé, ça avait foiré pour les sexuellement diversifiés, les gens d'ici n'étant pas spécialement portés à la tolérance sur ce sujet ( comme dit Kersau:"la tolérance, il y a des maisons pour ça" ). Mais cette année, les "gayprailledeurs" sont rusés: ils modifient le parcours initialement excentré de leur défilé, pour le faire aboutir devant le palais des congrés, au moment où les Miss sortent d'un défilé privé: grosse foule! ( et non pas grosse folle; c'est n'importe quoi ça).

Le lendemain 14 novembre, ces demoiselles s'exhibent en maillot de bains à bord de baleinières de la marine nationale colombienne, mues à l'aviron par un équipage de jeunes militaires tout de blanc vétus et fiers comme bar-tabac de leur passagère de charme: c'est le "desfile de balleneras" qui, évidemment, se passe sur l'eau. Un grand câble a été tendu sur plusieurs kilomètres, du coté de la base militaire, et matérialise la limite à ne pas franchir; embarqués sur notre dinghy, l'inaltérable newmatic orange en polyethylène by Jeanneau, nous nous faufilons entre les grosses vedettes à passagers, et les speed-boats surmotorisés, pour nous positionner sur la ligne à 10 mètres des beautés à rames; un grand moment! les eaux de la baie sont agitées de vagues abruptes crées par les milliers d'hélices des embarcations de supporters et d'admirateurs; tous ces moteurs au ralenti dégagent une fumée de sapeurs telle qu'on pourrait se croire à un départ de finale de karting. Partout, les strings sont de sortie, et le spectacle est autant dans le public qu'à bord des "balleneras"; véritable avénement de la ficelle à couper les miches; malgré leur importante quantité, je suis certain que toutes leurs surfaces juxtaposées ne permettraient pas de faire ne serais-ce qu'un tourmentin, alors que pourtant, le spectacle en tourmenterait plus d'un....mais bon, c'est pas le sujet.

Lundi 16 novembre: à peine réveillés, c'est par une petite galipette d'accueil que nous entamons, Malou et moi, cette journée pas ordinaire, les yeux même pas encore complètement ouverts ( en même temps, c'est pas spécialement les yeux qu'il y a le plus besoin d'ouvrir en la circonstance....) Il y a juste 35 ans que nous nous sommes unis pour le meilleur de préférence avec ma douce et tendre. Il lui en aura fallu de l'opiniâtreté, de la suite dans les idées, et surtout un amour inconditionnel et inaltérable, à ma pépette, pour qu'aujourd'hui nous profitions ainsi de la vie comme des gros chanceux; alors que, de mon coté, je n'ai pas grand mérite tant ma chérie fait les choses bien: véritable cordon bleue, elle est aussi efficace à tenir son petit intérieur propret qu'à m'aider aux tâches ingrates genre carénage; et, en bateau, c'est une équipière toujours courageuse et motivée qui assure en toutes circonstances et fait confiance à son capitaine; une vraie "perle" ma petite; pas étonnant que j'en sois toujours amoureux. Pour fêter ça, sortie au restau! sauf que ce n'est pas le meilleur jour pour ça, car ce lundi est un jour de "récup" après les fêtes, et beaucoup d'établissements sont fermés. De plus, l'élection de Miss Colombie est retransmise en direct à la téloche en ce moment même, c'est vous dire l'ambiance "ville morte". Après une heure de marche, de gargotte fermée en gargotte qui ne nous convient pas, nous décidons de nous poser au ....."tête à tête", le bien nommé: on est que nous! qu'importe, "Carmen", la jolie serveuse sera notre confidente, et le mur portera les quelques mots qu'elle m'a autorisé à écrire pour immortaliser le moment; nous jouons aux fléchettes en buvant du vin chilien: la belle vie, j'vous dis. Bien sûr, nous avons une pensée mélancolique pour tous ceux qui auraient fété ça en notre compagnie s'ils avaient étés là......mais voilà, y sont pas là! Où sont-ils d'ailleurs? en train de bosser peut-être.....les gens sont pas raisonnables.

La visite du musée de la marine présente, pour tout amateur des choses de la mer, un interêt majeur. Outre que le lieu lui-même soit particulièrement majestueux, sa collection de maquettes est réellement exceptionnelle; on sent un désir d'exhaustivité dans la recherche de tous les types d'embarcations connues depuis la nuit des temps dans le monde entier; très instructif, et, parfois anecdotique, comme cette "outre" tibétaine datant de 500 ans avant JC constituée de la peau d'un animal étanchée et remplie d'air; originale comme barque, à défaut d'être pratique.

Mercredi 18 novembre: les préparatifs pour le départ vers les San Blas sont lancés: appro de nourriture pour un mois, achat d'une paire de lunettes pour Malou ( environ 5 fois moins chères qu'en France ), remplacement d'une dent cassée sur mon appareil dentaire, petites bricoles d'accastillage pour le gennak, nettoyage des coques et hélices......nous quitterons Cartagène la semaine prochaine si Allah n'y voit rien à redire.