lundi 10 août ( c'est pas cher....)

dans le double dessein de préparer notre absence pour cause de visite en France en septembre, et d'assurer l'entretien du canote, nous avons adopté depuis quelques jours la configuration "grouillots": habits de travail sur le haut de la pile, les outils à portée de mains, prêts à être dégainés plus vite que mon ombrelle, la liste des "choses à faire" avec temps éstimés et hiérarchie de priorité....tout est en place depuis quelques jours, et, déjà, des lignes sont rayées ( ce qui n'est pas le cas de mon pyjama, car, avec cette chaleur, j'en mets pas, mais c'est pas le sujet). En saison cyclonique, bien que nous soyons à la lisière de la zone à risques, des vents de 40 à 50 nds de secteur ouest ne sont pas rares, lorsqu'une perturbation tropicale passe dans le nord; il ne s'agit donc pas de garer le bazar à la va-vite-comme- j-te pousse-n'importe-comment-et-toute cette sorte de choses. Parmi les nombreuses tâches qui émaillent cette perpétuelle et non moins indispensable liste de "travaux à faire", il en est certaines plus rébarbatives que d'autres, cependant que certaines autres sont encore plus ingrates que celles d'avant que j'vous cause, si vous voyez ce que je veux dire.....au hit parade des passe-temps qui donnent pas envie de se lever le matin, les opérations de vidange d'huile/remplacement des filtres des 3 diesels du bord occupent une place privilégiée; je m'étais plus ou moins promis à moi-même ( parfois je n'hésite pas à me faire une petite réunion avec moi-même, au cours de laquelle je prends des engagements que je me fais un devoir de vacance de tenir à bout de bras raccourci.....) de ne plus prendre en charge ces boulots aussi craspouètes que fatiguants, mais, las, n'ayant pas rencontré par hasard et rapidement le prestataire zélé et pas cher qu'aurait fait le boulot à ma place, je me suis autobotté le "bottom" avant-hier, et c'est, avec un enthousiasme totalement absent, efficacement secondé par une détermination en silex de synthèse que j'ai lancé le projet....l'affaire a été initiée tout de suite après un changement de place du canote effectué au moteur, ce qui a permis de faire chauffer l'huile comme il se doit. Quand j'étais jeunot, ( c'était hier....) et que je vidangeais l'huile moteur de ma 4 chevaux, l'opération était bénigne; je garais le vésicule, 2 roues sur le trottoir, 2 roues sur la chaussée, une roue dans le coffre ( celle de secours), et je plongeais sous la bagnole avec ma bassine et ma clé à molette pour dévisser le bouchon, en faisant bien attention de ne pas perdre la rondelle de cuivre,( tant il est vrai que la jeunesse nous fait accorder une importance injustifiée à notre rondelle, mais là n'est pas la question au contraire bien au contraire). En quelques minutes c'était bâché, et "même pas sale!". Mais sur un bateau, et surtout sur le Catafjord, le gars qui plonge dessous, y trouve la coque, et c'est tant mieux, sauf pour vidanger ( connaissez-vous cette déclaration romantique de l'ange qui drague une sainte: " laisse moi sur ton sein doux écouler ma vie d'ange"). Bref, pour arriver à mes fins, je dois avoir recours à une petite pompe, du genre de celle que Mr Desmeules ( le comique canadien qui nous a vendu le projet de rénovation de bateau nommé Catafjord) a eu l'amabilité, que dis-je l'amabilité, la largesse...., de nous laisser dans l'objet flottant, après qu'il eût été payé, et qui, bien que se prenant pour une vraie pompe, n'est qu'une merde immonde qui ne pompe rien du tout ( pas Desmeules, la pompe, vous aviez capté ). Il m'avait déjà été donné d'appréhender la nullité de cet instrument de malheur; je m'étais dit alors qu'il serait bon de "faire quelquechose" à son sujet......mais, hélas, je n'ai rien fait; pire, j'avais passablement oublié comment on peut se pourrir la vie avec de l'huile chaude et noire, et une cochonnerie de pompe qui ne pompe pas. Le rappel a été énergique: toute la matinée pour faire seulement 2 moteurs sur 3; ça m'a tellement traumatisé que je ne parviens à l'écrire que 2 jours après, c'est vous dire; je suis père plex en songeant à des qui s'ennuient sur leurs bateaux.....

lundi 17 août; nous interrompons la routine des "journées-bricoles" en nous rendant à la ville, mi en bus, mi à pieds. A Curaçao marina, nous trouvons une entreprise de métallerie qui nous fera une petite pièce de gréement en inox ( pour bien trop cher, mais, c'est fait ); j'ai fait les plans de 2 tangons en alu pour mieux ouvrir les voiles d'avant, mais nous les ferons faire certainement en Colombie où la main d'oeuvre est beaucoup moins chère qu'ici. Les équipements à terre de Curaçao marina sont de belle facture, et les choses semblent correctement organisées, mais l'ambiance y est un peu austère, et nous sommes bien mieux ici, à Spanish water, d'autant qu'en plus c'est gratuit.....ou presque; bien sûr, on invite souvent des copains à l'apéro, mais avant que ça avoisine le budget d'un stationnement en marina, il y a de quoi financer plusieurs comas éthyliques et il en resterait même pour les zobs secs.....de plus, on peut aussi bien inviter des copains à l'apéro en marina, ça n'a vraiment rien à voir.....bref, située a proximité immédiate des raffineries et de la ville de Willemstadt, le décor de la marina ne saurait rivaliser avec les cactus et les palétuviers habités de perroquets jaunes et verts qui nous entourent ici; de toute façon, il n'y a pas de bistrot à la marina, alors ça c'est le ponpon! Après quelques minutes de marche sous le cuisant soleil de midi, nous déjeunons dans une modeste auberge de quartier, distraits par la chiquita de la maison, espiègle fillette d'environ 6 ans, qui nous réjouis de ses sourires et autres mimiques de chipie, en dépit de son absence d'avant-bras gauche (probablement congénitale); on peut m'objecter qu'un avant-bras est parfaitement inutile pour sourire....... c'est pas faux!

S'en suit un détour par la marchande de vélos, en vue d'acquérir des selles un peu plus confortables que celles d'origine dont au sujet desquelles je crois avoir déjà mentionné qu'elles nous mettent le fondement en décapilotade ce qui est bien peu désopilant.

Re marche à pied direction Chobolobo; c'est le nom d'une belle demeure aux murs ocres qui trône fièrement au milieu d'un terrain verdoyant et arboré en plein centre ville et qui abrite en son sein un alambic duquel sourd la liqueur de Curaçao...l'entreprise est plutôt modeste, et n'a rien d'une usine trépidante; passé le hall dans lequel une expo photo raconte quelques anecdotes sur le sujet, on peut déguster le breuvage dans des gobelets en plastiques que même pour boire le calva à Hubert ça serait limite trop petit, mais bon, on peut pas se plaindre......juste derière, un peu en contrebas, c'est "l'usine": environ 40 mètres carrés, 3 personnes assises dont 2 femmes qui emballent des bouteilles et un gus qui leur tape la discute cependant que le futur élixir mijote dans une énorme bouilloire de 3 mètres de haut; c'est tout! Pour faire la liqueur de Curaçao, il faut une variété d'orange à peaux vertes qui ne pousse qu'ici ( en tout cas c'est ce qui est écrit). Les oranges sont ensuite pelées avec des couteaux en bois, car le métal affecterait le goût final, puis les écorces sont mises à sécher au soleil durant une semaine. On les stocke ensuite dans des sacs de jute, additionnées d'épices diverses , que c'est ça le mystère sinon tout le mode pourrait en faire. Ensuite, l'ensemble est mis dans la bouilloire pendant plusieurs jours afin d'extraire un liquide qui, additionné à de l'alcool pur donnera le fameux élixir , lequel sort du bazar totalement incolore! ça troue la chique ça, non? Eh oui, les belles couleurs des différentes bouteilles offertes aux grossiers appétits des amateurs de coquetteilles sont dûes à des colorants ( mais il est écrit qu'il ne s'agit que de colorants naturels).

De retour au Catafjord pour la baignade quotidienne dans l'eau à 29°c, Jean-claude nous rejoint, et nous commençons à évoquer ensemble les modalités de "gardiennage" du canote. C'est lui et sa femme Monique qui veilleront sur sur le bateau pendant notre absence en septembre.

Samedi 22 août; Malou a fait un bon bol de guacamol avec un énorme et délicieux avocat ( c'est vrai que si elle avait pris une banane ou une aubergine, ça n'aurait pas été du guacamol ), et, de mon coté, j'ai rempli un saladier avec les différents jus de fruits, sirops de sucre de canne et rhum qui aboutissent invariablement à cette espèce de tisane dont les propriétés térapeuthiques autant que roborhatives ne sont plus à prouver, je vous parle du punch planteur. Tout est prêt pour recevoir nos amis, l'équipage de "café liégeois"; nous avions rencontré ces gens charmants à Ziguinchor il y a un an et demi, et pas revus depuis; donc ce soir, on fête les retrouvailles, cloturant ainsi dans la bonne humeur une semaine laborieuse partagée entre l'entretien du canote, la préparation du voyage en France, et le dépannage, aujourd'hui même, des problèmes éléctriques de nos voisins de "la fée verte", Jean-claude et Monique. Leur joli bateau aux lignes classiques, abritant un confort bien moderne évoque le surnom poétique donné au siècle dernier à un breuvage dont le succès fut stoppé vigoureusement par le couperet d'un interdit législatif : l'absinthe ( soi-disant fallait l'arrêter à cause que les clients devenaient aveugles.....ou alors je confonds avec un autre....c'est possible). Je n'en avais jamais goûté; c'est choses faite, et grâce à mon copain, je me suis encore instruit à l'apéro!