vous ais-je déjà entretenu de cette bizarrerie surinamaise qui rend les dimanches si dissemblables? Tenez, aujourd'hui, justement, c'est dimanche; eh bien, rien à voir avec celui de la semaine dernière! Dèjà, nous avons de nouveau un pilote automatique à bord! Arrivé par Fedex vendredi soir, il était monté samedi matin, et étalonné samedi après-midi; on se sent mieux. Les pleins d'eau sont faits, et nous voilà parés à faire nos adieux à cet excellent mouillage. Nous avons rendez-vous demain matin à 8 heures pour faire le plein de gas-oil à marée haute; il faut se lever à 6 heures car il y a plusieurs milles à parcourir contre le courant. Un dernier signe de la main en partant à nos amis déjà levés, et c'est dans le coton, avec une visi de seulement quelques centaines de mètres, et une humidité maxi que nous quittons notre mouillage pour descendre le fleuve. A 8 heures, lorsque nous arrivons, rien n'est prêt et le gars n'est même pas là! ça énèrve un peu ..... nous sommes obligés de mouiller l'ancre à 50 mètres du ponton merdique et trop petit, et de trimballer les 400 litres qu'il nous faut avec des bodons dans l'annexe; 4 heures sous le soleil que ça prend le truc! c'est pas un beau dimanche ça? bon, mais sinon, pas de malaise, tout roule, et nous sommes de plus en plus impatients de repartir en mer; reste plus qu'à acheter les vivres et faire la sortie officielle auprès des services d'immigration.

Lundi midi: ça y est, les vivres sont à bord et dûment rangés, chaque chose à sa place; le vent contre le courant lève un gros clapot au mouillage, tant et si bien que vers 12 heures 30, nous voyons notre annexe s'éloigner gentiment dans le courant, ayant réussi à défaire son amarrage à force de faire des bonds dans tous les sens; vite fait bien fait, le mouillage est prestement relevé et la Rigiflex vagabonde vite maitrisée..... ouf, ça fait drôle de voir la petite barque orange s'éloigner seule du canote; je sens que nous allons avoir envie de soigner un peu plus cet amarrage pendant un moment.

mardi 2 décembre 16h30: c'est Malou qui est de quart; je l'entends là-haut border un peu l'artimon car le vent a refusé de quelques degrés. Nous avons quitté Paramaribo vers 11h30 sous un ciel gris et petite pluie éphémère. Sous toute notre voilure sauf 1 ris dans l'artimon, nous filons 6,5 nds par 10 à 12 nds de vent; 430 milles devant nos étraves, il y a Tobago que nous espérons atteindre dans quelques jours. Je ne suis pas supersticieux car ça porte malheur, cependant, je préfère ne pas annoncer de pronostic; on ne sait jamais, ça pourrait attirer le mauvais oeil ( qui, lui, est une réalité, ça ne saurait se nier )...Nous nous sommes attardés plusieurs semaines au Surinam; en partie à cause du pilote, mais aussi parce que c'est un pays formidable; peu prisé par les navigateurs, mais ils ont tord, car cette escale en vaut bien d'autres.

vendredi 5 décembre: nous avons testé pour vous le "pot au noir" ( et non pas "poteau noir", comme il y en a des qui l'ont cru, ne me dites pas le contraire ): je ne vous le conseille pas; plutôt décevant comme truc; d'ailleurs, j'avoue que j'ai du mal à imaginer le processus mental qui conduit certains déviants notoires à s'y rendre si fréquemment. Jugez plutôt: vous êtes tranquillement installés sous bonne voilure dûment réglée, avec une mer un peu agitée, mais ça va, et le ciel bleu plein de cumulus en coton au dessus de votre cerveau embrumé par les récents excès de rhum (mais on peut pas faire autrement, vu que nous sommes sous des latitudes où le rhum ne saurait être consommé autrement qu'en éxcès). Devant vous, là-bas derrière l'horizon, c'est une immense bassine de plomb fondu qui semble vous attendre patiemment pour vous phagociter, bateau et équipage.....ça met du temps à se rapprocher, mais au bout de quelques heures, on est dedans. Bonjour l'ambiance: la mer est devenue comme folle, avec des vagues abruptes et totalement desordonnées; le vent fait n'importe quoi, passant de 5 nds à 30 nds en moins d'une minute, avec changement de direction en sus ( comme disait la jeune mariée....): le paradis des bouffeurs d'écoutes, mais le bagne pour qui affectinne la navigation "pépère". Parfois, nous traversons un déluge à 2 options: soit ça tombe vertical car pas de vent, soit c'est la lance à incendie car ça piaule....je vous avais prévenu: pas terrib! En même temps, même si on n'en a pas envie, on est bien obligés d'être dedans vu c'est de l'autre coté qu'on va....pourtant, il y tout de même des compensations: après un, deux, parfois trois jours de ce régime, on commence à recevoir un bon petit vent bien régulier d'une vingtaine de noeuds, avec, au dessus de la tête, une ribambelle de cumulus coiffés à la rasta (mais en blanc) dans un ciel d'azur, et là, c'est la belle vie, avec plus de 180 milles parcourus chaque jour sans toucher aux écoutes.....: c'est l'alizé de nord-est; puis, au bout, comme un récompense, le mouillage dans la baie des pirates devant Charlotteville, au nord de Tobago. Notre ami Jean-françois est là depuis hier matin, et il nous indique la méthodologie des formalités d'arrivée; en 1h, c'est réglé! Le petit bourg abrite quelques centaines d'âmes réparties en une bonne proportion de pêcheurs qui sillonnent les eaux alentours et la baie elle-même avec leurs barques à clins en polyester d'environ 5 mètres de long, propulsée par un hors-bord d'une vingtaine de chevaux. Un seul marin par barque, et une grande canne à pêche en bambou de chaque bord, halées à bonne vitesse pour attirer les prédateurs genre daurae coryphène ou barracuda. Et, il y a aussi toute une pléiade de gens qui traquent le touriste, d'où ce comportement indifférent et désabusé qui contraste désagréablement avec le sourire spontané des Brésiliens ou des Surinamais.

samedi 5 décembre; ce matin, nous avons un voisin de mouillage pour le moins imposant: un paquebot à voiles d'une bonne centaine de mètres de long, rempli d'américains, grée de 5 mats portant chacun un foc sur enrouleur, et répondant au doux nom de "WIND SURF". Ses canots déversent leur flot de touristes au petit wharf du village, pour quelques heures de shopping éffréné....il en faut pour tous les goûts.