La place de l'indépendance, au lever du jour, se peuple, le Dimanche, d'une étrange population. Des hommes arrivent en auto dès le lever du jour, et, à peine garés tout autour de la place, sortent de leurs véhicules une ou deux jolies petites cages; ils viennent pour le dominical concours de pikolets; comme son nom ne l'indique pas, le pikolet n'est pas un canari alcoolo, mais un piaffou de la famille des passereaux sporophyles, granivores fréquentant les savanes; les propriétaires de ces chanteuses bestioles ont pour tradition de se réunir ici le dimanche dès potron-minet pour faire concourir leurs champions; les cages sont disposées deux par deux à 50 cm l'une de l'autre, et, cependant que les 2 piou-piou mâles s'enguenlent pendant 1/4 d'heure, deux juges comptabilisent leurs trilles sur un tableau; à la fin de la foire, on compte les bouses.....comme dit mon copain Daniel qui aime bien les expressions imagées; eh bien, figurez vous que ces petits bouts de barbaques couineurs-emplumés peuvent coûter plusieurs milliers d'euros pour les meilleurs! ils sont en voie de disparition, et, de ce fait, protégés, mais se reproduisent très bien en captivité; ouf!

Déambulant dans la rue, nous sommes abordés par un vieux bonhomme au type indonésien qui nous propose de nous conduire au "chinese market"; nous lui emboitons le pas pour une petite heure de visite-emplette; rien de bien extraordinaire, excepté que la rencontre de ce vieil homme, descendant d'immigrants est très sympathique et chaleureuse.

Il nous reste encore un petit bout de matinée ( c'est l'avantage du lever à 7h ) pour visiter le fort Zeelandia et son musée du Surinam; on y voit toutes sortes d'objets attachés à la vie des premiers habitants du pays, 10000ans avant JC, et ceux qui ont suivi jusqu'à la récente époque de l'esclavage.

Quelques milles parcourus aux moteurs dans l'après-midi, avec le cata, nous mènent à Domburg, village situé à une vingtaine de milles en amont. C'est un autre monde: l'eau est saine, pas salée et on peut se baigner; une quinzaine de bateaux sont là amarrés à des corps-morts placés là par les propriétaires de l'usine frigorifique à poissons; presque tous sont hollandais et bon vivants; chaque soir, à partir de 18 heures, ce petit monde se retrouve au bistrot "chez Rita", et ça tchatche pendant des heures en buvant des bouteilles de bière fraiche. Sitôt installés, nous sommes "happés" par Maria et Kees qui nous livrent tous les modes d'emploi du site; nous passons la soirée avec eux, et dès lundi soir, ils nous présentent à toute la communauté, y compris les seuls autres français, Thomas, son frère Pierre, et leur équipière canadienne Christine.

Petit à petit, au fil des jours, nous découvrons un peu plus chaque équipage; certains sont carrément passionnants; ainsi, Sophia et Ed, qui sont arrivés ici il y a deux ans, avec leur bateau en red-cedar/epoxy construit de leurs mains, ont fabriqué un île! déçus de voir les bas-cotés des routes et des places envahis de bouteilles plastiques, ils ont organisé des collectes avec les commerçants, les gendarmes, les écoles, les troquets, etc, et, ont réunis toutes ces "bulles d'air" dans de vieux filets de pêche cousus entre eux, pour faire une espèce de radeau d'environ 10m de long et 7m de large; après avoir apporté de la tourbe et de la terre végétable là-dessus, ils ont planté, et le résultat est un petit paradis, auquel ils ont accosté leur bateau; une île flottante.

Lors d'une de nos pérégrination "choppingatoire" à Paramaribo, nous avons reçu chez un commerçant une "leçon d'achat" que je livre à la sagacité de ceux que ça peut interesser : Malou s'était choisi une nouvelle paire de godasses qui dépassaient le budget qu'elle s'était fixé; aussi, se rend-elle à la caisse en vue d'y négocier une remise; la caissière, avec le sourire, lui tend une boite en carton et lui donne un jeu de dés en disant: "allez-y, jetez les dans la boite"; Malou lance les dés; la fille regarde, compte, et annonce: "moins 25%!"; c'est pas beau ça? j'ai déjà rencontré des acheteurs qui n'étaient pas à la veille d'obtenir des résultats comparables avec leurs tableaux excell et tout leur fourbi.....

Depuis mardi, Richard, Sylvie, et Eloë sont venus nous rejoindre avec leur Ovni, grossissant à 3 le nombre de canotes français au mouillage; les "bataves" sont inquiets; ils pensent à un début de colonisation......

Les Dimanches se suivent et ne se ressemblent pas....

aujourd'hui, au programme, excursion en annexe, sur le fleuve en amont, avec les "deumebés" (ceux de l'Ovni qui s'appelle "D'un B"....); à 5 + picnic, le Yamaha peine un peu à faire déjauger le Newmatic , mais ça le fait juste juste. La balade commence par la visite d'une plantation; immense domaine quadrillé de chemins et de canaux d'irrigation, avec, ça et là, les habitations des gens qui y travaillent, essentiellement des hindous et des indonésiens, aimables et souriants; Eloë a trouvé des feuilles de plantes très originales ressemblant à des oreilles de cochons, et s'en déguise pour la photo ( alors qu'elle prétend tout le temps qu'elle n'aime pas qu'on la photographie....). Un petite pause rafraichissement et nous voilà repartis la poignée dans le coin ; partout, ce n'est que de la forêt, sauf quelques endroits aménagés pour recevoir les bateaux qui exploitent la bauxite, et, quelques "plages"; les baigneurs évoluent derrière de grands filets tendus entre des poteaux, car l'endroit est infesté de piranhas qui considérent les doigts de pieds humains comme de saucisses à apéritif; vous voyez le genre......Nous faisons une escale déjeuner en beachant avec le dinghy; petite sieste sur le sable, et c'est reparti.....toujours à fond.....avec cependant une halte dans une crique, c'est-à-dire un petit bras de rivière au milieu de la forêt , formant comme un "tunnel végétal"; je ne sais pas pourquoi, nous avalons les kilomètres pour aller toujours plus loin, alors que c'est pareil partout....tout à coup, pout, pout, pout, la merveilleuse machine à transformer n'importe quel touriste en Indiana Jones du dimanche après-midi entre 2 et 4, se tait! avec le silence, l'atmosphère s'alourdit légèrement; chacun pense: "ça doit pas être grand-chose; superdomi va nous remettre ça en route en un rien de temps...."....moi, je fais pas le malin, car saisi d'un petit doute.....je vérifie le niveau de carburant dans le réservoir: on voit le fond! on le voit même très bien; pour tout dire c'est parfaitement sec! j'annonce le verdict....mon image se fissure comme un portefeuille d'actions en ce moment.....la "survie" est immédiatement organisée: Richard et moi tirons fermement chacun sur un aviron, cependant que nos "sirènes" ( qui ne sont que 3 en fait.....) guettent l'horizon, au cas où il se présenterait d'autres Indiana Jones du dimanche après-midi, avec la mission d'attirer leur attention et simultanément leur sympathie; les dieux sont avec nous; il s'en présente rapidement 2; c'est pas dommage, car mon ami Ritchie a déjà calculé dans sa tête qu'à cette vitesse, on y sera dans 2 jours, et il en fait part à Eloë qui en pâlit ( il faut quand même quelquechose pour la faire pâlir....); d'ailleurs, il se gourre, car, dans 2 heures, c'est la renverse, et nous bénéficierons alors de 3 noeuds de courant portant.....Nos "sauveteurs" possèdent la gentillesse et la spontanéité de la grande majorité des Surinamais; ils nous dépannent avec 5 litres d'essence; c'est supersympa, mais il en aurait fallu 15 pour carburer comme à l'aller; aussi, j'adopte une stratégie prudente: on avance à petite vitesse le long de la berge pour minimiser la consommation et subir le moins de courant contraire possible.... et "roule ma poule"....Il est 15 heures; c'est certain, à cette vitesse, nous mettrons plusieurs heures pour rentrer, mais, la bonne humeur est bien enracinée dans l'équipage, alors tout va bien; il fait une chaleur de forge ; observant le ciel qui s'obscurcit, Richard déclare: "ah, une petite averse nous fera du bien"; et c'est vrai qu'une petite averse aurait pû nous faire du bien......hélas, ce qui nous tombe sur la tronche est un redoutable orage tropical qui nous déverse des trombes d'eau, glaçant rapidement tout le monde et remplissant le dinghy plus vite qu'on arrive à écoper.....à travers le rideau d'eau, j'aperçois un navire sablier qui descend le fleuve à faible vitesse pour aller livrer sa montagne de marchandise; nouvelle stratégie: s'en approcher, et lui demander de nous remorquer......nouvelle manifestation de générosité: non seulement ils ralentissent pour qu'on puisse les atteindre plus facilement, mais, ils nous accueillent à leur bord, et nous font du thé pour nous réchauffer; c'est pas un palace leur bourrier, mais on y est bien mieux que dehors avec ce sale temps; l'orage dure presque 2 heures, et, c'est à bord de ce sablier de 40 mètres chargé ras la gueule, et avec l'annexe en remorque, que nous arrivons au mouillage, peu avant la tombée de la nuit, sous les regards abasourdis de nos voisins; une demi-heure plus tard, nous sommes tous à l'apéro, et Malou dit, en rigolant: " avec mon Domi, je ne m'ennuie jamais...." je ne sais pas bien comment je dois le prendre; est-ce un compliment, ou si elle dit que j'invente tout le temps des plans à la con?